Romain Boucher est un ingénieur diplômé de l’École des Mines et d’un master en maths appliquées et statistiques. Il s’est spécialisé en sciences des données avant de rejoindre le cabinet Sia Partners comme data scientist. En 2018, dans son bureau à proximité des Champs-Élysées, les assauts des Gilets Jaunes furent « comme l’onde sismique » qui l’incita à rompre avec ce monde. Après 3 ans de missions dans l’énergie et le secteur public, il démissionne pour mieux dénoncer le rôle du numérique, du big data et de l’IA dans le ravage écologique et social. Il est l’auteur d’un rapport sur les ravages du techno-libéralisme et participe à l’association « Vous n’êtes pas seuls ».
Bonjour ! Tu as fait de brillantes études en mathématiques et tu es devenu ingénieur en data science, avant de démissionner avec fracas. Quel avenir propose-t-on aujourd’hui selon toi à toutes les « têtes bien faites » qui sortent des écoles d’ingé, des Mines, de Centrale ou de Polytechnique ?Dans la fabrique de ses élites, la France s’est distinguée par ces grandes écoles d’ingénieurs, initialement destinées à former les cadres dirigeants de l’industrie. Historiquement, ce n’est pas anodin qu’un État aussi puissant ait accordé autant d’importance et opposé si peu de garde-fous aux élites scientifiques, ni que les mathématiques soient depuis toujours la voie royale à l’École Polytechnique. Il est d’ailleurs utile de rappeler qu’en invitant pour la première fois les mathématiques dans l’économie, le français Léon Walras anoblit cette dernière en lui conférant son nouveau statut de science dans ses Éléments d’Économie politique pure (1874). Cette conversion, qui doit beaucoup à ses discussions avec le polytechnicien Lambert-Bey, prolonge la confiscation de la politique par une petite minorité d’experts et l’éloigne de fait du débat public. On ne parle plus d’« économie politique » mais bien de « science économique », soit une fétichisation des chiffres qui conduit à une impasse intellectuelle : ce qui ne peut être mesuré avec précision est mis de côté, oublié ou méprisé. Par la suite, l’auto-alimentation des sciences et techniques a joué, bien plus que la ruse et les idées, un rôle majeur dans l’impérialisme des États occidentaux et la conservation de l’ordre bourgeois. En l’occurrence, avec l’annonce d’une « industrie 4.0 », on assiste à la fois à une tertiarisation et à une…
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Auteur: lundimatin