Déserts médicaux : la liberté d'installation des médecins accusée de « nuire à la santé des gens »

Laure Artru a débuté sa carrière de médecin rhumatologue il y a trente ans. Elle exerce au Mans, ville de 140 000 habitants et chef-lieu de la Sarthe. « Ça a été formidable pendant vingt ans. Puis est venu le problème de désertification, qui s’est encore aggravé depuis cinq ans. » Aujourd’hui, elle passe une partie de son temps à tenter de trouver un médecin traitant à ses patients et à organiser leurs soins de base. « Je vois toute la journée des gens qui sont en défaut de soin. Je regarde rapidement leurs questions rhumato et ensuite j’essaie de dépister tout ce qui n’a pas été fait faute de suivi. J’ai une patiente de 85 ans avec un traitement très lourd, à qui j’essaie de trouver un médecin traitant, et je me fais jeter de partout. Ce n’est pas tenable, elle aussi paie ses cotisations. Quand les gens ne trouvent pas de médecin traitant, ils renoncent à se soigner. »

Les déserts médicaux s’étendent partout en France. Même dans les villes. En 2018, plus d’un habitant sur dix vivait dans une commune où l’accès à un médecin généraliste est limité. Cette proportion n’a cessé de croître ces dernières années. Entre six et huit millions de personnes vivent dans un désert médical. Six millions de personnes sont sans médecin traitant.

Le difficile accès à un médecin, généraliste et encore plus aux spécialistes, « est un sujet qui préoccupe beaucoup de gens », affirme Maxime Lebigot. L’infirmier a fondé avec son épouse l’Association des citoyens contre les déserts médicaux. Eux-mêmes ne trouvaient pas de pédiatre dans leur ville, Laval (48 000 habitants, Mayenne), pour prendre en charge leur enfant de cinq mois. Laure Artru a rejoint cette association il y a deux ans. Sandrine Marchand, qui tient une pharmacie dans une commune du Tarn, a fait de même il y a quelques mois, « parce qu’on a frôlé la catastrophe ».

Nombre de médecins généralistes pour 100 000 habitants

Les zones blanches, dans la moyenne, bénéficient de 133 médecins pour 100 000 habitants. Les zones bleues en ont moitié moins, les zones en bleu foncé encore moins, autour de 20 médecins pour 100 000 habitants. Carte issue de l’étude de l’Association des maires ruraux de France « Accès aux soins en milieu rural : La bombe à retardement ? », publiée en 2021.

« Sur notre territoire, de 6500 habitants, nos trois médecins sont tous partis en 2021, l’un en juin, l’autre en septembre, et une autre, qui était venue s’installer il y a sept ans, a…

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Auteur: Rachel Knaebel