Deux morts pour un gramme

Le 24 avril 2022, Fadjigui et Boubacar Kamara étaient tués de plusieurs balles dans le dos, tirées au fusil mitrailleur par un jeune policier de 24 ans. Dans cet article, l’historien Alessandro Stella revient sur le discours médiatique et policier ayant entouré le meurtre des deux jeunes hommes pour le recontextualiser dans l’aberration et l’hypocrisie de la « guerre à la drogue » menée par l’État français. Ou comment la gestion policière des illégalités est est d’abord et toujours une guerre contre la plèbe.

Le soir du 24 avril 2022, près de la Préfecture de Police de Paris, Fadjigui et Boubacar Kamara étaient tués de plusieurs balles dans le dos, tirées au fusil mitrailleur par un jeune policier de 24 ans. Le meurtrier et ses complices ont invoqué la légitime défense et le droit de tirer sans sommation sur une voiture en fuite. Les sources policières, relayées par les médias mainstream, ajoutaient que les deux hommes tués au Pont Neuf « étaient défavorablement connus des services de police, entre autres pour stupéfiants ».

La justification morale fournie par la Police de l’assassinat de deux personnes, puise dans la construction imaginaire du « dealer », démon des temps modernes. Une construction largement mythique, car entre Pablo Escobar et un petit revendeur de banlieue il y a un océan.

Fadjigui et Boubacar avaient 25 et 31 ans et vivaient dans le quartier des Amandiers, à Ménilmontant, dans une cité populaire appelé « la banane ». Au soir du 24 avril, ils avaient pris leur Polo et étaient venus en plein centre de Paris, pour répondre à l’appel d’une connaissance parisienne, Yann, âgé de 42 ans. La transaction portait sur un gramme de cocaïne pour 70 euros. Deux frères, noirs, vivant dans un quartier populaire racisé, se sont déplacé un soir d’élections présidentielle en plein centre de Paris, pour livrer un gramme de coke à un parisien. Gains escomptés ? Au mieux 30-35 euros, à partager entre eux. Autant que s’ils avaient fait une course Uber. Mais avec infiniment plus de risques, de la garde-à-vue à la prison, jusqu’à la mort. Deux morts pour un gramme.

Une marche blanche, à laquelle ont participé des centaines de personnes, en majorité Noires, a été organisée le 4 mai dans le quartier où vivaient les frères Kamara et leur famille, pour commémorer et honorer les morts, et pour dénoncer le droit de tuer dont se sont arrogé les policiers. La famille des victimes et les familiers militant-e-s de différentes associations de victimes…

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Auteur: lundimatin