L’expression « Grand Jeu », popularisée par Rudyard Kipling, désignait au XIXe siècle la rivalité coloniale et diplomatique qui mettait aux prises, au Caucase et en Asie centrale, l’Angleterre victorienne et la Russie tsariste – avec, au centre de l’échiquier, l’Afghanistan, « cimetière des empires ». Cette notion est encore souvent employée de nos jours pour décrire les complexes manœuvres auxquelles se livrent, dans cette même région, les puissances actuelles – qu’il s’agisse de la Russie désormais poutinienne, de la Chine ou encore des États-Unis.
Dans son nouvel ouvrage, « Sur l’Échiquier du Grand Jeu », qui paraît aux Éditions Nouveau Monde ce 6 septembre, et dont nous vous présentons ici un extrait, Taline Ter Minassian, professeure d’histoire de la Russie et du Caucase à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), retrace deux cents ans de cette partie géopolitique aux règles et aux limites sans cesse fluctuantes.
« Quand tout le monde est mort, le Grand Jeu est terminé. Pas avant. Écoute-moi jusqu’à la fin… » Le lecteur de Kim, le roman de Kipling, aura compris que l’histoire du Grand Jeu, commandée par une fatalité géopolitique implacable, n’a pas de fin. Tout comme la guerre froide, le Grand Jeu se nourrit d’espaces de confrontations réels, mais aussi de référents symboliques porteurs de mythes et
de mythologies.
Le Grand Jeu, qui fut initié au début du XIXe siècle par l’immense problème de la défense de l’Inde britannique « le plus loin possible et avec le moins de moyens possible », s’est perpétuellement modifié depuis lors, déplaçant le champ des tensions sur un échiquier toujours plus vaste entre des joueurs plus nombreux. Deux siècles de voyages intrépides, de sombres intrigues nouées dans le bazar de Tabriz ou de Boukhara, d’embuscades et de hauts faits dans les rocailles du Waziristan ont abouti à des…
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Auteur: Taline Ter Minassian, Historienne, professeure des universités. Directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques (équipe CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)