Devêtir la violence

Jean-Claude Leroy est à la fois romancier, poète et contributeur occasionnel à Lundimatin. Il nous propose cette semaine un nouveau texte brut, improvisé, qui rappelle la nécessité certaine de dévoiler ce qui se loge derrière la rhétorique du pacifisme en temps de guerre, et invite à « arracher la dent creuse de l’espèce humaine ».

l’humanité enfin arrivée à maturité !

tout est prêt pour l’universelle concorde

on voit bien que le monde est pacifié

chacun de nous se sent des plus sereins

l’harmonie… comment dire ?

l’harmonie carcérale bientôt obtenue

il en a certes coûté à certains, mais il le fallait

nous voici débarrassés de toute violence

toutes les humeurs sont oubliées

et toutes les peaux diaphanes

nous célébrons chaque jour les procès de Moscou

il y a partout des Kolyma climatisées

des Guantánamo de circonstances

c’est le prix à payer

il y a toujours un prix à payer

mais nous qui sommes honnêtes et avons bonne conscience

avouons que nous sommes tranquillisés quand les prédateurs sont empêchés

ce jeu de la vérité à la chinoise a vraiment tout arrangé

un à un nos monstres intérieurs sont passés aux aveux

devenue loi de tous une loi de proximité ne saurait être brutale

les puritains sont aux manettes dans l’ombre du divin Staline

la moindre rature prend allure de décret

le fantôme de Xi Jinping couche avec la poupée d’Elon Musk

Roussel se branle dans le giron des Le Pen

Donald Trump ou Mickey Mouse sont confondus dans le pouvoir des mots

et l’humanité soulagée parce qu’éviscérée

« Notre-Dame des Intensités, pardonnez-nous nos offenses ! »

rassurons-nous, pour autant, il s’agit toujours d’éliminer son prochain

mais il ne faut plus le dire, parler à voix haute est une violence

tandis que la délation incarne la douceur, profitons-en

la justice infuse l’universel, le « devenir flic » n’est plus un rêve

via Twitter and Co, CNews donne le la

le Capital choisit ses cibles

une fois les thèmes imposés à tous

les marionnettes n’ont plus qu’à aboyer

lécheurs de micros, ventriloques azimutés

la toile reflète un vaste court-circuit

du plus malin au plus stupide

du plus cruel au plus dévêtu

du plus tentateur au plus piégé

du meilleur assassin à la pire victime

tous les salauds sont abonnés

tous les abonnés sont des salauds

qui d’entre nous est légitime ?

de quel animal suis-je le masque ?

chiens et loups s’habituent à mourir de faim

et les lunettes du GIEC s’attardent sur le nez des effarés

inexorablement…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin