Direction d’entreprise : les femmes perdent du terrain. Elles doivent être stratégiques, mais la culture doit aussi changer

Récemment, le cabinet McKinsey publiait sa huitième étude sur l’avancement des femmes dans le monde des entreprises (Women in the Workplace 2022). Bien que portant sur les grandes entreprises états-uniennes, elle comporte de nombreux constats qui laissent présager un avenir où la représentation des femmes au sein des postes de haute direction se fera de plus en plus rare et exigera des femmes davantage d’endurance, de persévérance et de combativité pour y demeurer.

Qui y perdra : les femmes, les hommes ainsi que la société dans son ensemble.

Certains constats de l’étude sont préoccupants :

1) Au cours de la dernière année, les femmes leaders ont quitté leur emploi à un rythme plus élevé que leurs collègues masculins et cet écart est le plus important depuis les cinq dernières années ;

2) Une représentation moins forte des femmes dans les postes d’ingénierie et de technologie comparativement à 2018 fait en sorte qu’aujourd’hui, comparativement à cette dernière année de référence, les hommes y sont 2,5 fois davantage représentés qu’en 2018. Un résultat hautement préoccupant puisque ce secteur est celui qui connaît la plus forte croissance et où on retrouve les emplois les mieux rémunérés.

Respectivement doyenne de l’École de gestion John Molson et experte depuis plusieurs décennies de la place des femmes dans les hautes sphères du milieu des affaires, nous sommes préoccupées par cette régression.

Le malaise va au-delà de la conciliation travail-famille

Quelles sont les raisons qui conduisent ces femmes à se retirer du marché du travail après avoir atteint des postes de leadership ou à chercher un nouvel emploi davantage respectueux de leurs priorités et valeurs ?

Les difficultés à concilier travail-famille et vie personnelle sont certes présentes, mais d’autres raisons méritent d’être mentionnées et relèvent davantage de la qualité du milieu de travail comparativement aux hommes :

1) Le manque de reconnaissance : 37 % des femmes leaders voient leurs bonnes idées être reprises au crédit d’autres collègues, alors que ce phénomène de mauvaise appropriation arrive à 27 % des hommes ;

2) La remise en question fréquente de leurs décisions par leurs collègues masculins sous prétexte qu’elles ne disposent pas des compétences appropriées pour les prendre ;

3) Un accès plus difficile à des promotions en raison de leur sexe ou de leurs responsabilités familiales ;

4) Les microagressions

5) Le manque d’engagement de l’entreprise en regard de la diversité, de l’inclusion et de l’équité (DEI)

Accéder aux plus hautes fonctions, mais pas à n’importe quel prix

Un élément important à souligner est l’évolution des besoins des femmes au cours des deux dernières années en regard de leur milieu de travail.

Tant les femmes leaders que celles qui ont moins 30 ans disent que les possibilités d’avancement sont l’élément qui les préoccupent le plus. Les plus jeunes accordent en sus une priorité plus forte à la flexibilité et l’engagement des entreprises vers le bien-être au travail et les programmes DEI.

De plus, les jeunes femmes disent qu’elles seraient davantage intéressées à devenir leader si elles pouvaient avoir comme modèle un plus grand nombre de femmes dirigeantes parvenant à atteindre l’équilibre travail-famille qu’elles souhaitent.

Une jeune femme, assise devant un ordinateur, face à une fenêtre

Les possibilités d’avancement sont l’élément qui préoccupent le plus les jeunes femmes, et elles accordent la priorité à la flexibilité et l’engagement des entreprises vers le bien-être au travail.
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De tels constats sont préoccupants, puisque la rétention des femmes dans des postes de direction et le maintien d’un vivier riche en potentiel féminin seront sûrement freinés dans l’avenir par la qualité de vie au travail et au bien-être des employés.

La récente étude de Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC, menée auprès de 295 femmes françaises dirigeantes sur leurs aspirations professionnelles permet d’aller plus loin dans ces constats : les femmes veulent bien accéder aux plus hautes fonctions mais pas à n’importe quel prix. Cette étude ajoute des éléments explicatifs fort intéressants à cette grande désillusion féminine : le décalage du discours, la gouvernance non éthique,…

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Auteur: Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice, John Molson School of Business, Concordia University