Divorce : comment les enfants gèrent-ils la vie en garde alternée ?

Lorsque des parents se séparent ou divorcent, c’est bien souvent la mère qui obtient la garde de l’enfant, accompagnée de visites ponctuelles chez le père. Pourtant, au cours des vingt dernières années, un autre dispositif a progressivement pris de l’ampleur en Europe : la garde alternée, dans laquelle l’enfant réside en alternance, et de manière à peu près égale, chez chacun de ses parents.

Selon l’Insee, la résidence alternée concerne 12 % des enfants en France. En Belgique, depuis la loi de 2006, il s’agit du mode d’hébergement à examiner en priorité après une séparation parentale, dès lors qu’au moins l’un des deux parents en fait la demande et plus de 30 % de jeunes de parents séparés ou divorcés vivent en alternance (quasi) égalitaire chez leurs parents. Ceci dit, on sait finalement peu de choses de la façon dont ils s’accommodent de ce mode de vie, les recherches existantes s’étant jusqu’à présent largement centrées sur le point de vue des parents.



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Résidence alternée, un droit de l’enfant ?

Le livre Deux maisons, un chez-soi ? donne la parole à un panel de 21 enfants âgés de 10 à 16 ans. À travers deux à trois rencontres individuelles mobilisant des méthodes sociologiques participatives, l’objectif était de comprendre comment les jeunes s’adaptent à ce quotidien en garde alternée, entre deux « maisons » aux univers souvent fort différents, et entre lesquels les parents tracent parfois des frontières imperméables.

Des lieux de vie en « archipel »

Cette recherche sociologique étudie notamment les pratiques déployées par les jeunes au quotidien pour négocier leur place dans chacune des résidences, et créer de la continuité et des repères dans la mobilité. Ce faisant, une métaphore empruntée au géographe social Cédric Duchêne-Lacroix apparaît particulièrement pertinente, à savoir, celle de l’ « archipélisation » de leurs lieux de vie.

Les enfants rencontrés envisagent en effet chaque lieu de résidence familial comme distinct de l’autre, tout en étant reliés, à l’image d’îles composant un archipel. Si chaque île a une atmosphère qui lui est propre – l’enfant s’y attachant différemment selon qu’il s’y sente « chez lui » en raison de l’architecture des lieux ou de l’ambiance familiale, ces deux îles aux colorations différentes forment un « tout » au sein duquel il navigue et tente de se créer des repères.

Les enfants naviguent entre des îles parentales aux frontières plus ou moins nettes, en fonction des limites que chaque parent souhaite dresser avec l’île de son ex-partenaire. Ainsi, certains foyers prennent la forme d’une île « forteresse », le parent souhaitant dresser une frontière imperméable avec l’île de son ex-partenaire.

Depuis 8 ans, Solveg, 11 ans, est en une garde alternée. (Reportage de La Maison des parents, 2021).

Les deux lieux de résidence apparaissent alors comme mutuellement exclusifs : l’enfant ne peut pas se rendre au domicile de l’autre parent en dehors du calendrier fixé, le parent ne souhaite pas entretenir de contacts virtuels pendant les jours d’absence de l’enfant, et limite au maximum les transferts d’objets et effets personnels d’un lieu de résidence à l’autre ou impose à l’enfant de les ramener systématiquement au domicile du parent auquel ils appartiennent.

À l’autre extrême, certains parents dessinent une île ouverte, laissant l’enfant libre d’aller et de venir quand il le désire, lui offrant la possibilité de communiquer avec eux pendant les jours d’absence et d’emporter avec lui ce qu’il souhaite. Des configurations intermédiaires existent entre ces deux pôles, avec des limites plus ou moins ouvertes à la négociation. Il est important de noter que le père et la mère peuvent chacun dessiner des îles aux frontières différentes de celle de leur ex-partenaire, un enfant pouvant naviguer par exemple entre une « île forteresse » et une « île ouverte ».

Ces îles parentales constituent un important élément de contexte mais les jeunes ne les respectent pas forcément. Ainsi, certains s’arrangent pour faire passer des effets personnels d’un côté à l’autre même si cela n’est pas autorisé, ou,…

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Auteur: Laura Merla, professeure de sociologie de la famille, Université catholique de Louvain (UCLouvain)