DMA : la nouvelle législation européenne suffira-t-elle à encadrer les GAFAM ?

Le 12 octobre 2022, la version finale de la nouvelle législation de l’Union européenne sur les marchés numériques, dite Digital Markets Act (DMA), a été publiée. Cette réglementation du Conseil et du Parlement européen entrera en vigueur le 1er novembre 2022, et ses principales règles commenceront à s’appliquer le 2 mai 2023. Cette loi inédite a vocation à réglementer les pratiques commerciales des « digital gatekeepers », que l’on peut traduire par « contrôleurs d’accès » aux plates-formes.

Fournisseurs de services devenus essentiels, les grandes sociétés de numérique, et en premier lieu les Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft (GAFAM), constituent désormais un passage obligé pour les entreprises qui cherchent à se rapprocher de leurs utilisateurs finaux. L’incidence des contrôleurs d’accès sur le marché interne est donc non négligeable et leur positionnement commercial leur confère une domination présente ou future.

Si la DMA n’est pas une panacée, elle est le gage d’une réglementation bien plus efficace que le droit européen de la concurrence pour limiter les positions de domination de marché des GAFAM et d’une refonte de leurs pratiques.

Quelle finalité pour la DMA ?

Cette loi répond aux constatations de plusieurs expertises ayant débuté en 2019, comme le UK Furman Report, le US Stigler Report et le EU Vestager Report qui concluent que les cinq GAFAM règnent sans partage sur les marchés des plates-formes essentielles.

Ces rapports sont formels : la forte subordination du marché à cette poignée d’acteurs découle d’un concours de circonstances congénitales liées aux marchés des plates-formes : fort effet de réseau (la valeur d’un service s’accroit en fonction du nombre d’utilisateurs), haut rendement de l’utilisation des données, économies d’échelle et de gamme, facilité d’exploitation des inclinations des consommateurs en ligne, etc.

Additionnées, ces circonstances favorisent l’émergence sur le marché d’un ou deux acteurs hégémoniques. Une fois cet état de domination consommé, des obstacles à l’entrée découlant des facteurs précités entravent la concurrence, même lorsque l’offre alternative est de meilleure qualité.

La législation vise un double objectif : d’abord, abaisser les obstacles à l’entrée ; ensuite, créer des conditions plus équitables pour les entreprises et les utilisateurs finaux en encadrant les conditions d’utilisation. De ce fait, les « digital gatekeepers » visés seront tenus de respecter un ensemble de règles rigoureuses. Il est fort à parier que la Commission européenne, autorité de désignation des contrôleurs, signalera les GAFAM. Toutefois, certaines plates-formes européennes clés pourraient y échapper.

Des règles draconiennes malgré les pressions

Une fois visé, les contrôleurs d’accès disposeront de six mois pour se conformer aux 22 règles…

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Auteur: Anne C. Witt, Professor of Law, Augmented Law Institute, EDHEC Business School