Donner des cours et à manger

Cette année comme hélas sur tant d’autres campus universitaires, nous avons monté à l’échelle du Pôle Universitaire Yonnais de l’université de Nantes, des distributions alimentaires et de produits d’hygiène pour tenter de conjurer un peu le sort misérable fait aux étudiant.e.s et la période plus que compliquée qu’ils et elles traversent.

Deux années universitaires globalement fracassées par le Covid et donc depuis 6 mois (Janvier 2021), une distribution alimentaire de plus, une distribution alimentaire de trop, sur un campus de plus. Et au-delà des réformes racistes et mortifères qui touchent à l’accueil des étudiants étrangers, au-delà du mépris si longtemps affiché par le président et la ministre pour les étudiantes et les étudiants, au-delà des chiffres, trois images que je retiens. 

Ma première image c’est celle de cet étudiant venu comme à chaque distribution avec son sac de livreur Deliveroo pour le remplir de denrées qui lui permettront simplement de tenir, et de continuer à nous amener à manger. Un étudiant d’une gentillesse infinie dans chacun de ses gestes, de ses regards, de sa manière de dire merci en partant. Le président des restos du coeur, comme tant d’autres depuis tant de temps, tirait déjà l’alarme en 2020. « Ils nous amènent à bouffer mais ils n’ont plus rien à bouffer. » On ne s’habitue pas à ces images là. 

Ma deuxième image c’est celle de ces étudiant.e.s qui viennent avec leur père ou leur mère, et ces parents qui en partant, nous remercient pour ce qu’on fait pour leurs gosses. Et qui nous disant cela, nous disent que tout ce qu’il peuvent faire, eux, ne suffit pas, ne suffit plus. Pas totalement en tout cas. Qu’autre chose est devenu nécessaire. Et l’on sait que ce que peut faire un parent est immense. Alors quand même eux ne peuvent plus assez et nous le disent, l’image reste. Ce papa par exemple, « moi je suis routier, c’est dur » nous avait-il glissé en partant, ce papa je ne l’oublierai pas. On ne s’habitue pas à ces images là. 

Ma troisième image c’est celle de l’étudiant.e que tu connais. De ton étudiant.e. De toutes celles et ceux pour qui, bien sûr, on avait une idée plus ou moins exacte, de la situation de précarité, de fragilité, ou de complexité qu’ils traversent. Ou pas du tout d’ailleurs. Et que tu croises là. Tu lui donnais des cours, tu lui donnes à manger. Chacun s’efforce de se faire discret, guettant le signal dans les yeux de l’autre et dans l’environnement pour dire que ce qui se joue dans cet espace, à cette occasion, c’est avant tout…

La suite est à lire sur: www.affordance.info
Auteur: olivierertzscheid Olivier Ertzscheid