Dortoirs, cantines, crèches… Les paysans indiens révoltés créent une « république autonome »

  • New Delhi (Inde), reportage

Passer la frontière de Tikri, à l’est de New Delhi, est comme changer de pays. Après une heure à rouler sur l’autoroute, on s’arrête devant un mur gardé par des policiers lourdement armés. Il faut négocier à plusieurs points de contrôle, emprunter des chemins détournés, pour finalement entrer dans l’État de l’Haryana et dans un tout autre monde. 
 
Les agriculteurs ne s’y sont pas trompés, eux qui — plutôt que de manifestations — parlent désormais de « république autonome » pour décrire les immenses rassemblements de fermiers qui s’étendent à perte de vue le long des voies express qui mènent à la capitale. Voilà trois mois qu’ils campent aux portes de la capitale-État de New Delhi pour protester contre la libéralisation du secteur agricole. Le gouvernement prévoit en effet des réformes remettant en cause les prix minimums d’achat des denrées, notamment le blé et le riz, menaçant ainsi la survie des petits paysans. Depuis notre dernier reportage, l’ambiance s’est durcie. Le 26 janvier, jour de fête nationale, dite Republic Day, a changé la donne. 

Lors de l’équivalent indien du 14 juillet, la Cour suprême a autorisé, pour la première fois, les fermiers à entrer dans New Delhi. Un parcours spécifique leur a été dédié par la police, en parallèle de la parade officielle, et en nombre limité. Rien ne s’est passé comme prévu. Électrisés, les paysans ont forcé dès le matin les barrages de police avec leurs tracteurs pour pénétrer en masse dans New Delhi. S’en est suivie une journée émaillée d’affrontements entre police et manifestants — l’un a trouvé la mort et beaucoup ont été arrêtés. Malgré les appels au calme des unions agricoles, certains ont même fini par envahir le Fort rouge, bâtiment symbolique du pouvoir, d’où le Premier ministre prononce ses discours solennels. 


Un fermier fait sa toilette devant sa roulotte.

Trois semaines après l’invasion du Capitole aux États-Unis, l’incident a fait les gros titres et terni l’image du mouvement, jusqu’alors largement pacifique. L’occasion rêvée pour le gouvernement de dépeindre les agriculteurs en émeutiers complotistes. Dans son discours au parlement, le Premier ministre indien, Narendra Modi, n’hésite plus à parler de « parasites », dirigés par des « forces destructrices de l’étranger ». Fini le dialogue et l’apaisement : l’état de siège a été décrété et internet coupé aux frontières de l’Haryana. Les comptes Twitter de…

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Auteur: Côme Bastin Reporterre