Droits humains : l’efficacité très limitée des sanctions internationales

Les sanctions constituent un levier économique de pression répandu dans le cadre de la politique étrangère. Mais elles restent controversées en raison de leur efficacité limitée. En outre, de telles décisions comportent inévitablement des répercussions sur les populations. C’est pourquoi, pour être légales, les sanctions doivent être proportionnées.

Le principe de proportionnalité s’applique à deux niveaux. Premièrement, les sanctions doivent être nécessaires et globalement adaptées à l’atteinte de leur objectif. En d’autres termes, des mesures qui ne sont pas efficaces et ne favorisent pas leur objectif ne sont pas « nécessaires » et sont donc illégales. Deuxièmement, même si les sanctions sont efficaces, elles doivent être aussi peu contraignantes que possible. Si elles entraînent des dommages importants dans le pays, alors le principe de proportionnalité n’est pas respecté.

Dans notre dernier article de recherche, nous avons étudié l’ensemble des sanctions imposées par les États-Unis entre 1976 et 2012, soit un total de 235 années-sanctions et 34 pays ciblés. Il en ressort que, malgré leur intention première, ces sanctions ont globalement aggravé la situation en matière de droits humains.

Plusieurs catégories de droits humains

En particulier, nous observons des répercussions négatives sur les droits fondamentaux, tels que le droit à la vie ou l’inviolabilité de la personne, et les droits politiques, comme la liberté de réunion et d’expression. Il s’avère que les atteintes à ces droits humains sont d’autant plus marquées lorsque le but des sanctions n’est pas explicitement lié aux droits humains (par exemple si les sanctions ont pour but de mettre fin à des conflits violents ou de soutenir le changement démocratique).

Nous relevons notamment que ce phénomène peut s’expliquer par une notion de droits humains prise dans un sens trop large. En effet, lorsqu’ils évoquent les effets des sanctions, les juristes ne font pas de distinction entre les différentes catégories de droits humains. Nous pensons au contraire qu’il en existe quatre : les droits fondamentaux, les droits économiques, les droits des femmes et les droits politiques, et que les effets des sanctions sur ces droits doivent être évalués séparément.

En outre, les juristes ont tendance à préférer les sanctions multilatérales aux sanctions unilatérales. Les sanctions imposées par les États-Unis semblent ainsi plus légitimes si elles sont cautionnées par les Nations unies. Pourtant, nous démontrons que les dommages réels sont similaires, que les sanctions soient multilatérales ou unilatérales. Nos résultats empiriques confortent l’idée selon laquelle les sanctions multilatérales ne portent pas moins atteinte aux droits humains que les sanctions unilatérales.

Les sanctions intelligentes ne le sont pas

Enfin, nous nous sommes intéressées aux effets des sanctions dites « intelligentes » car moins lourdes pour les populations : restrictions de déplacement pour les dirigeants, sanctions diplomatiques, etc. En ciblant l’élite d’un pays plutôt que toute la société, on limite ainsi les désagréments. À ce titre, les sanctions intelligentes sont considérées comme plus proportionnées que les autres. Cependant, contre toute attente, nous observons que les sanctions intelligentes ne produisent pas plus d’effet que les autres, ce qui pourrait laisser penser qu’elles ne sont finalement pas mieux proportionnées.

Nos résultats quantitatifs mettent d’ailleurs en évidence le rôle des statistiques dans l’étude des sanctions, de la proportionnalité et, plus généralement, du droit international. Or, le droit est une science normative, dans laquelle les données empiriques sont difficiles à intégrer. Nous tenons pourtant à montrer que le recours aux données peut permettre de mieux cerner les effets empiriques des sanctions pour juger de leur légalité ou illégalité.

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Auteur: Armin Steinbach, Professeur, droit et fiscalité, HEC Paris Business School