Du Bertolt Brecht revisité — PERSONNE

MISSENA

Mon Seigneur, c’est la conjonction des excès qui nous menace.Notre si parfait système vit en effet de l’intenable surexploitationTant des ressources humaines que naturelles peu renouvelables.Mais il peut très bien en mourir : et, c’est ce qui se profile.Nos usines ont tant produit que la production asphyxie, tueCeux-là mêmes qui la réalisent. Les prix des biens sont en surchauffeÀ force de répercuter l’augmentation des coûts des transports, des énergiesEt les salaires, grevés de charges, ne payent que fort mal les salariés.Certes la production est bonne, certes les profits sont substantiels,Mais le ruissellement demeure à l’étiage pour la multitude,À croire que la surabondance cause l’appauvrissement et la désolation. Alors que les bulles financières portent le krach comme les nuées l’orage,Le déclassement social, qui est l’agent dissolvant de la société, inquiète,Et les individus renâclent à payer les taxes, à éponger nos dettes.L’État a déjà tremblé sur ses fondations, et le feu vengeur couve encore,Car les braises de la contestation sont toujours rougeoyantes.

LE VICE-ROI soupire

Nos indicateurs économiques sont fort bons, notre croissance est fort belle.

MISSENA

Les grands propriétaires, par le truchement de leurs serviles médias,À grands cris d’orfraie, réclament que l’État intercède, interviennePour faire barrage à toute esquisse de révolte, de jacquerie.Sans quoi notre civilisation, qui, longtemps, a éclairé le MondeEt qui pâlit déjà, serait irrémédiablement balayée, engloutiePar la concurrence débridée qui fonce, faisant fi des contingences.Il nous faudrait donc quelqu’un qui, avant tout, remette de l’ordreEt annihile le feu autour duquel s’organisent les réfractaires au progrès.

LE VICE-ROI s’irrite

Pourtant les jours s’accroissent et l’épidémie reflue, c’est le retour à la vie.Chaque jour, les vrais loisirs le disputent, à nouveau, aux réalités virtuelles.

MISSENA

Nos commerçants, nos fonctionnaires, nos artisans, nos professions libérales,Notre classe moyenne, n’en peuvent plus de payer pour les parasites.On est pour la propriété, pour cette sainte valeur cardinale, mais on hésite À passer sur le corps des désargentés, sur celui des déclassés,Comme si on éprouvait des pudeurs de gazelle en pleine bataille.Voilà pourquoi la lourde menace de désagrégation sociétaleNe peut être vaincue que par l’implacable volonté d’un homme neuf,Soucieux du salut de notre chère civilisation multiséculaire,Et désintéressé, ou du…

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Auteur: PERSONNE Le grand soir