« Du côté des politiques, plus grand-monde n'ose aborder la question du logement, pourtant fondamentale »

Basta ! : Les expulsions locatives ont repris cet été. Près de 30 000 ménages sont menacés. Quelles conséquences de la crise sanitaire observez-vous sur la difficulté de se maintenir dans le logement ?

Manuel Domergue : Les conséquences sociales sont encore à déterminer, dans la mesure où la crise sanitaire n’est pas finie. Pour l’instant, les victimes sociales de cette crise sont essentiellement les personnes déjà fragilisées, qui avaient du mal à payer leur loyer. La crise leur a maintenu la tête sous l’eau : elles ont eu plus de mal à trouver des arrangements avec leurs bailleurs, à commencer à régler leurs dettes, et à sortir des procédures d’expulsion par le haut. Dans les mois qui viennent, peut-être y aura-t-il davantage de nouveaux pauvres : certaines entreprises qui se maintiennent encore grâce aux aides publiques pourraient couler… Dans toutes les crises, les conséquences sociales s’observent sur le long terme ; et il faut parfois des années avant que cela se transforme en expulsions locatives. Entre la perte d’emploi, puis la fin de droits, et enfin le moment où les ménages n’arrivent plus à payer leurs loyers, il s’écoule toujours des mois, voire des années. Ceci étant, au vu des files d’attente pour les distributions alimentaires, il y a déjà de la casse sociale.

Le gouvernement a annoncé le maintien de 43 000 places d’hébergement d’urgence, même hors période hivernale, et ce jusqu’en mars 2022. La ministre du logement Emmanuelle Wargon vient d’annoncer, le 6 septembre, un travail autour d’une loi de programmation pluriannuelle des places d’hébergement. Assiste-t-on à une rupture avec la traditionnelle gestion au thermomètre ?

Chaque année, jusqu’à la fin de la période hivernale, on ne sait pas si les places d’hébergement seront pérennisées : cela créé de l’incertitude pour les personnes. Cette annonce ministérielle, en visant à pérenniser des places, relève d’une bonne orientation. Mais elle n’engage pas à grand-chose. D’abord, ce n’est que l’acceptation de travailler ensemble sur le sujet. Ensuite, elle arrive en fin de mandat, alors que tout l’intérêt d’une loi de programmation pluriannuelle est d’être établie en début de quinquennat. Par ailleurs, il y a une limite au maintien des places : il n’équivaut pas au maintien des personnes. Il peut y avoir du turn-over, des remises à la rue pour faire entrer d’autres personnes : nous n’avons pas de garantie que la continuité de l’hébergement soit…

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Auteur: Maïa Courtois