Du coup, faut-il arrêter de dire « du coup » ?

Il est toujours de bon ton de se lamenter de la déchéance de la langue française. En général, cette impression se fonde sur quelques exemples parmi les dizaines de milliers de mots et de phénomènes qui constituent une langue.

Mais il faut distinguer le regard socialque l’on porte intuitivement sur la langue, lequel véhicule des sentiments, des impressions et des valeurs, du regard scientifique qui s’intéresse au fonctionnement effectif de la langue sans lui postuler un idéal – dont les critères seraient d’ailleurs assez flous…

Ces derniers temps, on fustige abondamment la locution adverbiale « du coup » pour la considérer comme « incorrecte ».

Mais selon quel(s) critère(s) considérer qu’une forme parfaitement attestée et banale serait fautive, méprisable ou constituerait « un tic de langage » ? On lit parfois des justifications vaguement historiques prêtant à « du coup » le sens de « aussitôt » en se référant au Bon Usage de Grévisse – mais plus personne n’emploie « du coup » dans ce sens. Pourquoi des usages périmés devraient-ils légitimer des emplois contemporains ?

Une évolution historique des mots

À ce compte-là, il faut bien rappeler qu’il n’existe pas de mot qui n’ait subi d’évolution historique au fil des siècles. Un exemple parmi tant d’autres : dans la négation « ne… pas », le mot pas renvoie initialement à une foulée (avec les verbes de déplacement, de type « je ne marche pas », au sens de « négation d’une quantité minimale de mouvement »). Doit-on considérer pour cela qu’il serait fautif d’utiliser pas pour la négation en général ? Ce phénomène s’appelle la grammaticalisation et désigne la perte de sens désignatif d’un mot au profit d’un emploi fonctionnel.

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Auteur: Jean Szlamowicz, Professeur des universités, linguiste, traducteur, Université de Bourgogne – UBFC