Du naufrage de l’Erika à l’Affaire du siècle : cinq combats citoyens marquants pour l’environnement

Dans « Justice pour la planète ! », paru en août 2022 aux éditions de l’Atelier, et dont nous vous proposons un extrait, Louis de Redon et Elisabeth Javelaud reviennent sur cinq affaires qui auront permis de faire évoluer le droit français dans le domaine de la protection de l’environnement. Naufrage de l’Erika, abattage de l’ourse Cannelle, lutte des faucheurs volontaires d’OGM, mobilisation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et Affaire du siècle, autant d’exemples de mobilisations citoyennes pour comprendre comment le droit peut contribuer à la sauvegarde du patrimoine naturel.


Dans la cité, les citoyens font le droit et le droit organise la vie des citoyens. Le droit, c’est la règle dont nous décidons entre nous pour établir un vivre-ensemble en cohérence avec des valeurs communes et des projets de société communs.

Le droit organise nos relations avec notre environnement. Il a pour mission de créer un espace de sécurité. Or la crise écologique que nous connaissons est source de désordres et de dangers. Il appartient donc au droit de gérer notre relation à la nature pour que nous vivions dans un monde durable : satisfaire nos besoins de manière raisonnable pour que chacun puisse vivre dans la dignité, générations actuelles comme générations futures.

Nous avons reçu la Terre en héritage. Ce bien commun, nous avons le devoir de le transmettre. C’est en ce sens qu’en 2005, notre bloc de constitutionnalité a intégré la Charte de l’environnement voulue par le président Jacques Chirac. Un texte bâti autour de cinq grands principes (pollueur-payeur, de prévention, de précaution, de développement durable et de participation) qui ont pour objectif d’organiser le développement durable de notre société. Ces principes, désormais à valeur constitutionnelle, se sont d’abord affirmés dans le droit international et les citoyens s’en sont emparés dans un second temps.

Ces toutes dernières années, la médiatisation des actions associatives, de la part des militants comme des activistes, a profondément modifié la donne. Les contentieux écologiques se multiplient en France et dans le monde. Notre édifice juridique s’en trouve bousculé. Il revient à la société tout entière de se mobiliser pour défendre le bien commun. Il s’agit d’une responsabilité aussi bien collective qu’individuelle.

Le droit de l’environnement s’est développé ainsi, par l’action de la société civile qui au gré des manifestations et des actions en justice, a poussé l’État à agir. Rien ne s’est réalisé seul. Le droit de l’environnement, de notre environnement, est le fruit d’un rapport de force imposé par des militants aux pouvoirs publics.

Le droit de l’environnement est un droit né dans la rue et devant les tribunaux : par l’action des citoyens qui ont mené des combats politiques et juridiques. Pancarte politique dans une main, pour défiler dans les rues des grandes villes de France, et recours juridique dans l’autre main, pour saisir le juge de contentieux environnementaux Le droit de l’environnement n’est pas un droit d’origine parlementaire : son élaboration s’est faite de manière prétorienne, c’est-à-dire qu’il est bâti par les juges saisis par les associations citoyennes ; un droit ensuite tempéré par le Parlement agissant en deuxième rideau qui limite malheureusement la portée des avancées jurisprudentielles.

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En réalité, rien n’est possible en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de la biodiversité sans une participation forte des citoyens au débat public : par le vote, bien évidemment et premièrement en démocratie, mais aussi par des manifestations et des actions en justice qui viennent compléter l’engagement dans les enquêtes publiques et sur les réseaux sociaux.

Ce lobbyisme sain et citoyen a émergé avec le fait associatif. Il continue de peser grâce à lui. Les associations sont la voix de la nature qui n’en a pas. Nous leur devons beaucoup et nous devons beaucoup aux bénévoles, femmes et hommes, qui depuis le début des années 1970 se sont associés pour faire changer le droit afin de mieux protéger notre planète et tout ce qui y vit – nous inclus.

Sans la…

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Auteur: Louis de Redon, Maître de conférences HDR en droit de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay