Du Sida au Corona : pandémies médiatiques et politiques.

Préambule.

La roue à livres est un dispositif inventé par Agostino Ramelli en Italie à la fin du 16ème siècle. On la présente souvent comme une sorte de précurseur mécanique du lien hypertexte. Elle correspond en tout cas à un moment où dans l’histoire de la lecture et des connaissances, il était devenu nécessaire d’instrumentaliser, d’appareiller au moyens de dispositifs externes, nos capacités cognitives pour leur donner davantage d’amplitude, pour les laisser se déployer à plein. On pouvait lire davantage, de manière silencieuse, comparer et prendre des notes. Un livre, le « codex », n’y suffisait plus. En étaler quelques-uns sur une table non plus. Ramelli imagina donc cette roue. 

A bien y réfléchir, elle est autant l’ancêtre du lien hypertexte que celui du scrolling infini (inventé par Aza Raskin dans les années 2006). Et c’est alors d’une autre roue dont il est question : non plus celle de l’organisation de contenus que l’on choisit et que le dispositif ne fait que … « disposer » devant nous de manière optimale, mais celle de la circulation infinie de contenus choisis par d’autres. Et comme le rappelait très justement Anil Dash

« La différence entre des individus choisissant les contenus qu’ils lisent et des entreprises choisissant ces contenus à la place des individus affecte toutes les formes de médias.« 

Cela affecte toutes les formes de médias mais cela affecte aussi toutes les formes de cognitions individuelles, pour autant que celles-ci, bien sûr, se limitent ou se résument pour l’essentiel au défilement continu de ces contenus choisis par d’autres. 

Dans nos roues qui sont davantage celles du hamster et du défilement infini que celles de Ramelli et des contenus choisis, nous n’apprenons plus que très difficilement et occasionnellement ; nous ne naviguons même plus puisqu’il n’est ni de départ ni d’arrivée, et que nous ne revenons que très exceptionnellement en arrière. Mais nous fonçons perpétuellement vers le prochain contenu proposé et étalé à disposition. En roue libre. Libre d’avancer bien plus que de choisir de le faire. Le retour en arrière, la capacité du retour en arrière, est pourtant l’un des fondamentaux de la comparaison et donc de l’esprit critique. Si l’on ne peut que se projeter vers l’avant on n’apprend rien puisque littéralement on ne « com – prend » rien, on ne prend rien avec rien d’autre pour établir une subséquence ; on se contente de la séquence suivante. De la même manière, le perpétuel retour en arrière, qui est l’autre modalité de consultation…

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Auteur: olivierertzscheid Olivier Ertzscheid