Il est ici question de techniques, de voix intérieures, de stratégies intimes de résistance, de régime d’absurdité imposé au travail, de l’humain qui persiste… et espère faire quand même rire.
Ça y’est, ça recommence. Ça a l’air grave. Diagnostiquée dysfonctionnaire, on m’écrira en Arial taille 12 désormais. En attendant que tout rentre dans l’Ordre, une inquiétude me prend. Et m’oblige à faire les comptes de mes rechutes…
En passant Le Concours, on s’était pourtant bien assuré que tous les vis étaient serrés. La mécanique ronronnait bien. J’avais calligraphié des « progressions » et des « tableaux de compétences ». J’avais bien répondu à la maîtresse, euh… à l’inspectrice. J’avais caché mes tatouages. J’avais bien compris ma leçon : je n’aimais pas l’Islam, j’aimais La République. Attention au complotisme. Tout était prêt pour que j’enseigne sans me poser de questions.
Le premier poste est pris et avec, la première confrontation brutale à l’organisation de l’école concentrationnaire. Je suis tétanisée. Je découvre que la salle des profs est de droite. Ou plutôt je découvre qu’en fuyant l’establishment étriqué du milieu parental, j’ai cru me réaliser dans un monde de la culture et du « progressisme », et que cette croyance même est de droite. Je me découvre de droite, d’une naïveté de droite, d’un pédagogisme de droite, d’un conformisme de droite. Et tout ça a l’air de s’appeler la gauche.
Pour faire face je me construis une image toute faite de déni : des cheveux de déni, des jambes de déni, une bouche de déni, une langue surtout pleine de déni, qui prophétise ce qu’elle veut voir advenir, qui ne fait par la différence entre ce qu’elle dit et ce qui est… elle parle beaucoup cette langue : organisation collective, respect du droit du travail, pédagogie nouvelle. Elle parle beaucoup toute seule et je ne peux pas la suivre. Elle s’emballe même, et je suis bien embêtée de devoir correspondre à son intransigeance. Plutôt que d’admettre le constat révoltant de l’école-caserne, je me plie à des devoirs incongrus qui n’ont aucune chance de réussir pris en même temps : un conseil d’élèves hebdomadaire, un discours d’une froide radicalité avec tous les collègues, un plaisir malin à me faire la hiérarchie. Ça tourne mal. Ça grince, ça hurle, ça campe des positions. Évidemment tout se raidit. Comment ? Le métier n’est pas la lutte ? La lutte n’est pas le métier ? Je digère (mal) mon incompréhension totale du lieu où j’ai débarqué. On finit par me détester. Et…
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Auteur: lundimatin