Éclairage des villes : à Lyon, des réflexions pour « sculpter l’ombre »

La crise de l’énergie va imposer un hiver très économe en éclairage public et susciter nombre d’extinctions en cœur de nuit. Le phénomène n’est pas nouveau et beaucoup de communes pratiquent déjà l’extinction, aux motifs de diminuer les pollutions lumineuses, préserver le ciel étoilé, et réduire la facture énergétique.

Ces politiques se diffusent depuis vingt ans, depuis les territoires des parcs naturels vers les zones rurales, touchant finalement les bourgs, les villes moyennes et désormais les métropoles, confrontées au défi de trames noires urbaines, ou comment organiser dans le territoire des corridors de relative obscurité (Rennes, Lyon…) permettant de concilier vie urbaine et biodiversité.

Universitaires, astronomes, associations, documentent ou soutiennent ces démarches de sobriété lumineuse (Collectif Renoir, ANPCEN, FNE…), avec une audience croissante, au point que les éclairagistes et concepteurs lumière, doivent intégrer le déséclairage comme une compétence nouvelle. La plupart revendiquent désormais des approches mesurées, dans le respect de la nuit, de façon à « sculpter l’ombre », pour reprendre la formule de l’architecte Jean-Yves Soetinck.



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La sobriété, au-delà du progrès technique et des changements de comportement individuels

Cette conjoncture est parfaitement corrélée à l’augmentation du prix du KWh depuis les années 2000, soit 40 % tous les 10 ans. Mais ce souci économique, somme toute récent, n’est pas seul à l’œuvre dans notre désillusion de l’éclairage. En témoigne une recherche récente que la Ville a commandé au laboratoire Triangle, à propos de « cacolumie ». Ce néologisme lyonnais, forgé par l’éclairagiste Laurent Fachard, puis repris par les services techniques, désigne les phénomènes de cacophonie lumineuse, d’incohérence entre sources de lumière : soit de par leur trop grand nombre, non coordonné, et on parlera de cacolumie de charge ; soit du fait d’un éclairage ponctuel tapageur, coloré ou trop intense, dans le cas d’une cacolumie de source.

Une enquête sur l’éclairage de Lyon

Les experts, concepteurs et techniciens, partagent cette grille de lecture des paysages nocturnes, nous l’avons vérifié lors de déambulations nocturnes avec plusieurs d’entre eux. Nous en avons profité pour prendre des photos de certains sites emblématiques de situation de cacolumie dans Lyon. Car si le Plan Lumière de l’éclairage public est particulièrement soigné, il ne gouverne pas les éclairages privés, les croix vertes des pharmacies et les néons bigarrés des restaurants chinois, des fast foods et des boîtes de nuit. Ceux-ci sont soumis au règlement local de publicité, qui n’a pas le pouvoir juridique de limiter l’usage des couleurs ou des intensités pour les enseignes et les vitrines. Que la réglementation nationale ait été rendue récemment plus sévère après 1h du matin ne change rien à l’impact des éclairages privés dans l’espace public en soirée.

Une photo prise le 17 octobre 2020 montre la rue Mercière déserte à Lyon

La ville de Lyon a commandé une étude sur la cacolumie : l’éclairage tapageur, incohérent et désordonné.
Jeff Pachoud/AFP

Après avoir consulté les experts, nous nous sommes tournés vers les usagers et avons soumis nos photos de paysages nocturnes à une soixantaine de personnes d’âges et de milieux variés, toutes lyonnaises et connaissant les lieux. Il s’agissait de savoir dans quelle mesure les usagers de la ville étaient sensibles aux phénomènes de cacolumie. Leur vision pouvait-elle s’approcher de celle des experts, et critiquer les éclairages privés intempestifs, ou les usagers allaient-ils exprimer leur goût pour les couleurs vives et festives des commerces et de l’animation urbaine ?

Paysages, poétique, qualité lumineuse

Finalement, les commentaires de nos participants se révèlent très riches. Retenons trois thèmes, qu’à aucun moment nous n’avons suggérés, mais qui ont spontanément suscité nombre de réponses, témoignant à leur façon d’une expertise des profanes :

  • La temporalité des paysages : certains commerces très lumineux, notamment une pharmacie, ont provoqué des réactions négatives, mais aussitôt relativisées par la question de l’horaire de la photo et du caractère ouvert ou fermé de la boutique….

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Auteur: Jean Michel Deleuil, Professeur des universités en géographie, aménagement & urbanisme, INSA Lyon – Université de Lyon