Écrire sur les ruines du futur

Russie. L’étrangeté ou l’autre nom de l’avenir ?

« Ici ça va. On essaie de garder l’espoir mais c’est pas évident. Il semble que des soldats ne veuillent plus participer à cette folie. J’ai lu aussi qu’on avait commencé à chercher des nouveaux soldats dans des centres pénitentiaires. Certains médicaments disparaissent des étals des pharmacies. Certaines nouvelles lois dangereuses et bêtes sortent aussi. En Géorgie, les banques font signer aux ressortissants russes qui veulent ouvrir un compte un papier stipulant qu’ils reconnaissent que la Russie est en guerre contre l’Ukraine. Alors que les banques russes font payer des commissions astronomiques sur les comptes en euro ou en dollar. On parle aussi du retour des tueurs à gages… En gros, rien de nouveau ! » me confiait un ami russe au téléphone.

Deux vagues épidémiques de covid-19 nous ont obligées à ajourner un échange entre chercheurs et artistes russes et français autour des constructions comparées de la figure de l’étranger. Une guerre l’a définitivement annulé.

Ce qu’il y a de pratique avec les guerres, c’est qu’elles simplifient tout. Et les Russes comme la Russie sont redevenus ces absolus étrangers. La guerre dissout les nuances.

D’organisateurs d’événements, nous avons glissé vers le conseil aux réfugiés, et appréhendé les dédales français du droit des étrangers. Nous avons pu mesurer la mollesse de l’État comme des universités face aux demandes d’accueil des artistes et chercheurs russes. Et nous interrogeons du regard l’horizon de nos avenirs communs. Nous nous félicitons de savoir certains de nos amis en sécurité hors de Russie, et nous inquiétons évidemment pour ceux qui y restent. Nous apprenons, accablés, l’interdiction de certaines associations comme de certains laboratoires de recherche. Et nous poursuivons tant bien que mal les projets de films engagés.

Mais nous refusons surtout la première défaite. Celle qui nous fait regarder cet espace comme totalement étranger. Les fantômes qui l’habitent ne sont pas que russes mais mondiaux, et les alliances économiques avec les grands groupes français et internationaux semblent assez bien résister au conflit. Le régime n’est pas moins héritier du tsarisme ou de l’URSS que du néolibéralisme qui l’a placé là. Et les rêves de pouvoir et de fiertés retrouvées entrent en échos avec les mêmes désirs ici. Le laboratoire russe a produit un monstre ; il explosera peut-être. Prenons note et considérons-le comme un…

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Auteur: lundimatin