Écriture exclusive

Bruce Black. — « Codes », 2020.

Lire aussi Xavier Monthéard, « Point médian et cause des femmes », Le Monde diplomatique, décembre 2019.

Le principe d’égalité entre femmes et hommes fait quasiment l’unanimité dans les pays démocratiques occidentaux. Il faut toutefois qu’elle ne soit pas tout à fait réalisée pour susciter des polémiques. Comme on a souvent évoqué le « vieil homme » qui freinerait les révolutions, le principe se heurte au passé inscrit dans les mœurs, les techniques ou les mots. Ce n’est donc pas un hasard si l’un des outils de cette égalisation est au centre des polémiques. L’écriture inclusive se propose en effet de rompre avec une langue genrée où le masculin l’emporte. La langue n’est pas un outil neutre comme les linguistes, anthropologues et autres spécialistes l’ont largement démontré. Les significations, les visions, les schèmes d’un autre temps y vivent en quelque sorte, marquant inconsciemment nos gestes et pensées. Si les révolutions ne se sont pas trompées en voulant changer le langage, elles ont aussi appris que ce n’était pas si facile. Ce furent globalement des échecs coûteux, parfois sanglants et toujours conflictuels. Ce n’est certes pas une raison d’abdiquer toute volonté de changer les choses, à condition de s’interroger au-delà du principe. L’écriture inclusive est brandie comme un outil de cette égalité des genres. Mais on n’a rien résolu quand on met en valeur ses bénéfices ou quand on a au contraire répertorié ses impasses syntaxiques, comme le font les adversaires. L’évaluation ne peut se cantonner à un débat de principe, ni même sur les propriétés, mais doit mettre ceux-ci et celles-ci en rapport avec les usages concrets de l’écriture inclusive.

Par définition, l’écriture inclusive concerne la langue écrite et accuse un peu plus l’écart entre langue écrite et langue parlée. Dans certains cas, il est impossible de prononcer ce qui est écrit. Est-il nécessaire de démontrer qu’elle ajoute à la complexité, ne serait-ce que par les questions qu’elle amène à (se) poser, et que cela pénalise forcément les personnes le plus démunies culturellement et socialement. Certains partisans de l’écriture inclusive se moquent volontiers de ceux qui font état de cet inconvénient : il n’y aurait aucune difficulté. Il faut comprendre que la critique de l’écriture inclusive comme instrument d’exclusion sociale serait arrogante envers les jeunes et les classes…

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Auteur: Alain Garrigou