Education et émancipation dans la « séquence rouge » italienne. Retour sur quelques expériences

Au cours des deux derniers siècles, chaque moment révolutionnaire ou de grande conflictualité sociale a stimulé la réflexion politique autour des questions pédagogiques et des expériences de transformation radicale des modes d’éducation. La « séquence rouge » dans l’Italie des années 1960-70 ne fait pas exception, comme l’analyse ici Andrea Cavazzini en revenant sur une pluralité d’expériences souvent méconnues ou tombées dans l’oubli au terme de la terrible régression sociale, politique et intellectuelle qui a suivi.

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La « séquence rouge » italienne représente un moment historique singulier en raison de sa capacité à exprimer sous une forme extrêmement intense les contradictions structurelles de la dernière tentative mondiale visant à donner un contenu politique immédiat à la perspective communiste. Suite à la crise, pour ne pas dire la défaite, de cette tentative, le capitalisme semble réussir à se présenter comme un horizon indépassable, non seulement dans les idéologèmes explicites, mais plus en profondeur, dans les racines inconscientes des subjectivités[1]. Dans la conjoncture italienne, l’enjeu consistant à garder ouverte la possibilité d’une histoire par-delà la logique de l’accumulation du capital s’est manifesté par un investissement très puissant des structures du quotidien vues comme le site où sont reproduites les subjectivations aliénées et aliénantes et où se joue par conséquent la rupture possible avec la reproduction de l’assujettissement idéologique.

Plusieurs courants et figures de la Nuova Sinistra (« Nouvelle Gauche ») italienne ont manifesté une conscience aiguë du fait que les rapports capitalistes étaient impossibles à déconstruire par de simples « mesures sociales ». En effet, l’essor italien et européen du Welfare State est apparu, tout au long des Trente glorieuses, comme l’extension du capitalisme avancé à toutes les sphères de l’existence, inaugurant la transformation du capitalisme libéral et de l’État de droit en ce que l’École de Francfort appelle la société « administrée » ou « unidimensionnelle ». D’où l’urgence d’inventer des nouvelles manières de faire, d’agir, de subvenir aux besoins et aux désirs, d’assurer la continuité de l’existence des individus et des communautés tout en préfigurant ou en amorçant, à même le quotidien, un dépassement de la reproduction du capital.

Un système éducatif cloisonné et hiérarchique

C’est dans ce contexte que s’inscrivent tout…

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Auteur: redaction