Effectuer des investissements responsables, ce n’est pas renoncer à leur rentabilité

Elles sont désormais mille, mille entreprises à s’être constituées en « société à mission ». Elles ont inscrit dans leurs statuts une raison d’être, des objectifs qui s’ajoutent à celui de réaliser un profit. Pour en contrôler le suivi, elles se sont dotées d’un organisme, le comité de mission, obligatoire au-delà de 50 salariés. Ce comité a aussi été largement adopté par les sociétés à mission en dessous de ce seuil (77 %). Cette possibilité, ouverte par la loi Pacte promulguée en mai 2019, a été adoptée avec une croissance fulgurante qui témoigne d’une volonté des entreprises d’orienter leur activité vers la poursuite d’objectifs sociaux et/ou environnementaux.

Le mouvement passe aussi par les acteurs financiers qui soutiennent celles ayant un impact positif. À l’échelle de l’Europe, pour promouvoir le développement de la finance durable, deux règlements ont été adoptés pour favoriser une forme de transparence. Une directive complémentaire entrera en vigueur en 2024.

L’enjeu est aussi de prévenir l’écoblanchiment ou greenwashing, situation dans laquelle un souci écologique est affiché mais de manière tout à fait cosmétique, sans implication autre que de vouloir travailler son image. C’est pour cette raison, notamment, que la mesure de l’impact non financier, avec la collecte de données fiables, s’avère un véritable défi.

Pour des évolutions notables la loi seule ne suffira ainsi pas : l’enjeu est aussi éducatif. C’est ce que souligne le think tank The Shift Project dans un rapport récent intitulé « Former pour une finance au service de la transition ». Il s’agit d’intégrer des modules de finance durable et de comptabilité environnementale dans les cursus de formation mais aussi de développer, à destination des épargnants, une communication claire sur les placements durables et responsables.

Un processus de conversion du secteur est à opérer, et des arguments peuvent d’ores et déjà venir le soutenir. Dans nos travaux sur l’investissement responsable, présentés dans un ouvrage à paraître aux éditions ESKA, nous avons étudié comment un intermédiaire financier peut, en tant qu’investisseur, employer concrètement les fonds dont il dispose pour contribuer au bien commun en soutenant des sociétés qui ont un impact positif, tout en préservant une performance financière. Les deux ne sont pas incompatibles.

Faire davantage qu’éviter de nuire

Le règlement européen « taxonomie » classifie déjà les activités économiques à partir de six critères environnementaux. Le règlement SFDR (pour Sustainable Finance Disclosure Regulation), quant à lui, oblige les intermédiaires financiers à publier des informations sur des critères extrafinanciers de leurs investissements.

Votée en novembre dernier, la Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) encadrera bientôt les rapports extrafinanciers d’environ 50 000 entreprises européennes afin qu’elles fournissent les informations nécessaires pour évaluer les impacts pour la collectivité, négatifs comme positifs, de la valeur créée.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Au-delà, un travail de longue haleine est indispensable pour faire évoluer les cadres de réflexion sur la notion de rentabilité. Dans la théorie financière standard, tout investisseur rationnel cherche à maximiser l’espérance de rendement d’un placement sous contrainte d’un niveau de risque donné. Intégrer d’autres paramètres, sociaux ou environnementaux, nécessite un changement de paradigme économique indispensable afin de prendre en compte les externalités et de raisonner en considérant la rentabilité globale.

Le label ISR a été mis en place en 2016. Il vise à « permettre aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, de distinguer les fonds d’investissement mettant en œuvre une méthodologie robuste d’investissement socialement responsable (ISR), aboutissant à des résultats mesurables et concrets ».

Parmi les concepts émergents, on retrouve ainsi l’investissement socialement…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Caroline Marie-Jeanne, Maître de conférences en sciences de gestion – IAE Angers – Chercheur au GRANEM, Université d’Angers