Élevage industriel et pandémies : bienvenue dans le « pathocène »

Gil Bartholeyns est historien et rédacteur en chef de la revue Techniques & Culture. Il enseigne à la Faculté des humanités de l’université de Lille. Il a récemment publié Le Hantement du monde — Zoonoses et Pathocène, (éditions Dehors, 2021) et un roman, Deux kilos deux (éditions JC Lattès, 2019).


La proposition de loi « pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal » a été recalée dans son intégralité par le Sénat le 26 mai 2021. Amincie par rapport à l’ambitieuse proposition de janvier 2020, elle ne comportait plus que quatre articles. Les élevages fermés (sans aucun accès à l’air libre) sont donc maintenus au-delà de 2040, ainsi que les densités de peuplement excessives. Est maintenue, également, l’élimination par gazage ou broyage des poussins mâles de souche de poule pondeuse et des canetons femelles au foie jugé trop nervé. Les transports d’animaux de plus de huit heures (quatre pour certaines espèces) se poursuivront sur le territoire français. On pouvait s’attendre à un refus vu le rapport de la commission sénatoriale des affaires économiques du 12 mai.

L’éthique et le respect pour la vie sont ainsi balayés d’un revers de main indolente par la raison économique. La pratique la plus emblématique du délire productiviste, le broyage des poussins à la naissance, sera maintenue au prétexte que son remplacement par des méthodes de sexage in ovo [la détection du sexe d’un embryon de poussin permettant de l’éliminer avant sa naissance] — déjà pratiquées en Allemagne — entraînerait un surcoût estimé à 64 millions d’euros. Sans doute fait-on entrer dans le calcul du manque à gagner la transformation du broyat ou des gazés en farine pour nourrir d’autres animaux.

La ferme de Beaumont dans l’Essonne pratique le pastoralisme itinérant, en plein air toute l’année. © Anne Speltz/Reporterre

Les arguments éhontés défilent : la France serait le pays qui présente la plus grande proportion d’élevages en plein air (1 % pour la filière cunicole…), l’accès au dehors n’est donc pas nécessaire ; l’élevage en plein air généralisé empiéterait sur les surfaces vertes déjà aux prises avec l’artificialisation des sols… Voilà comment une mesure de bien-être est contrée par un argument pseudo-écologique. Cela va crescendo : le plein air serait néfaste à certaines espèces (comme le lapin, préférant la nuit et le terrier, et par conséquent… les cages) ; ces mesures produisant une distorsion de…

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Auteur: Reporterre