La puissance de la colère est de nous permettre de créer autrement les relations à venir. Mais nous avons souvent été traumatisé·es par la manière dont elle s’exprime sous le régime des rapports de pouvoirs : un jugement de haine, l’expression « d’une aversion et d’une volonté de nuire » (Figure archétypique : le courroux patriarcal). Avec Audre Lorde, nommons « haine » cette pulsion destructrice pour ne pas se méprendre sur les puissances de la colère.
Traversé·es par une colère.
Faute d’arriver à la déployer en puissance créatrice, de refus ou de contre-attaque, nous devenons happé·es par la fixation à « sa » cause : une haine naît en nous par ce réflexe mortifère de « bloquer » une intensité.
Un tel blocage accapare souvent une grande partie de notre puissance d’agir, et c’est épuisant.
La haine est la croyance dans l’unicité d’une cause substantielle à notre tristesse : cette substantialisation de la causalité peut concerner une personne – « ille m’a fait du mal » ; ou bien une catégorie – « les étrangèr·es volent nos emplois » ; ou bien soi-même – « je suis nul.le, je ne vaux rien ».
Les grands textes d’Audre Lorde collectés dans Sister Outsider font système, de ce point de vue : il y a un lien puissant entre la poésie, l’érotisme et la colère. Il s’agit chaque fois de suivre les énergies nées des intensités affectives de la colère pour créer sa propre voix : cesser de croire qu’il faudrait éprouver autre chose que ce que l’on ressent de tout notre corps, cesser de complaire aux nuisibles pour préserver leur « fragilité », cesser de répéter ce qu’on attend de nous.
Si on ne se fait pas avoir par le faire honte des moralisateurices, la colère, la poésie et l’érotisme œuvrent à la connaissance de soi. L’obscénité suprême est d’humilier ces puissances, comme si nous ne devions pas éprouver les intensités qui…
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Auteur: dev