Allouville-Bellefosse (Seine-Maritime) et Saint-Valery-sur-Somme (Somme), reportage
Peut-on pâtir de sa mignonnerie ? Assurément, pense-t-on en plongeant son regard dans les grands yeux noirs des petits phoques veaux-marins (Phoca vitulina). Les voici étendus sur le carrelage délavé du centre de soins du Chene, à Allouville-Bellefosse (Seine-Maritime). Pelages humides, museaux fins et longues moustaches, Maloya, Pogo et Calypso sautillent gauchement en attendant leur repas.
Leurs cris s’intensifient à l’arrivée de leur soigneuse, Julia, les bras chargés d’une bouillie de poisson rosâtre. Revêtue d’une combinaison médicale, la jeune femme cale délicatement les petits phoques entre ses cuisses avant de les intuber pour leur faire ingurgiter la mixture. « Si on veut leur faire reprendre des forces, on n’a pas le choix, explique-t-elle. Ce ne sont pas des chiens, ils ne mangent pas dans une gamelle. Ce serait trop bien ! »
Calypso, qui ne peut pas encore avaler de poissons entiers, est nourrie par sonde. © Tiphaine Blot / Reporterre
En tout, huit petits phoques ont été recueillis par le centre depuis le début de l’été. Tous ont été abandonnés par leurs mères encore allaitantes, très probablement après avoir été dérangés par des touristes. « Par curiosité, les gens viennent voir les phoques de près quand ils se reposent sur le sable. Les mamans ont peur et fuient dans l’eau, tandis que les bébés restent sur place », raconte Julia. À leur arrivée au centre de soins, la plupart étaient à peine plus gros que des chats. Quelques-uns avaient encore leur cordon ombilical.
« C’est désastreux, soupire une soigneuse, Louise. Certains touristes vont même jusqu’à les prendre dans leurs bras. Ça fait des orphelins. » Tous les petits ne survivent pas à cette séparation forcée. Deux jeunes recueillis par le centre après avoir été manipulés par des humains sont déjà morts cette année. « Il y en a un qui est parti dans mes bras », souffle Julia. Elle ironise : « Il faudrait qu’ils aient l’air plus féroce. Peut-être que l’on s’en approcherait moins. »
« Il faudrait qu’ils aient l’air plus féroce. Peut-être que l’on s’en approcherait moins. » © Tiphaine Blot / Reporterre
Les pensionnaires du Chene sont nés à 130 kilomètres de là, sur les côtes picardes de la baie de Somme (Hauts-de-France) : d’immenses étendues de sable cernées de salicorne, sans cesse dénudées et rhabillées par la mer. Le tourisme a commencé à se développer dans la…
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Auteur: Hortense Chauvin Reporterre