En cas de choc, comment le marché du travail s’ajuste-t-il dans l’Union européenne ?

À l’heure où les débats s’enflamment autour du projet gouvernemental de réforme des retraites, beaucoup invitent à plutôt questionner le taux de chômage, mesuré, en France, à 7,3 % par l’Insee à la fin du troisième trimestre 2022. Moins de chômeurs, c’est plus de cotisants et un déficit moindre pour le régime.

Retraites ou non, la question de l’emploi interroge en permanence. Dans nos travaux, c’est à l’échelle de l’Union européenne (et dans les défis de la zone euro) que nous interrogeons les caractéristiques du marché du travail.

Les économistes ont, depuis Robert Mundell dans les années 1960, développé une théorie de la zone monétaire optimale. Partager une même monnaie permet, entre autres choses, des gains économiques avec des échanges facilités entre les différents membres. Cela intervient cependant au prix d’une perte d’autonomie sur certaines politiques. Des problèmes émergent ainsi lorsque les structures économiques sont trop différentes : en cas de choc, elles n’évolueront peut-être pas sur la même trajectoire, rendant toute politique centralisée délicate, si ce n’est parfois nocive car inadaptée aux spécificités de certaines régions.

Le marché du travail compte au premier chef parmi ces éléments qui définissent la structure d’une économie et il y a là un critère important pour l’efficacité de la zone euro dans le futur. Intégrer des pays comme la Bulgarie, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie a représenté pour la zone euro, une augmentation de 25 % de la population active.

L’importance est, selon ce critère, non pas d’avoir des marchés du travail homogènes mais plutôt de constater des mécanismes d’ajustement en cas de choc qui tendent à s’harmoniser afin que les politiques menées par l’Union européenne et les différents gouvernements s’articulent au mieux et répondent efficacement aux besoins d’une économie.

Dans une étude publiée tout récemment, nous avons ainsi utilisé une méthode propice à mettre en évidence le rôle des caractéristiques locales du marché du travail. Nous observons, en cas de choc d’emplois, de fortes hétérogénéités de réponses entre régions et des rigidités qui demeurent. Cette observation ne semble pas sans conséquences pour les politiques publiques et pour certaines populations en particulier, notamment les femmes.

Une convergence qu’en apparence

Qui dit choc dit réponse au choc et propagation dans l’économie via des mécanismes d’ajustement. Cela peut notamment se faire via les salaires : en cas de choc négatif, une baisse des salaires peut servir d’amortissement pour maintenir un maximum de personne en emploi. La mobilité de la main-d’œuvre d’une région à une autre est une alternative possible. Dans la zone euro, ce second canal, en particulier, apparaît moins fluide qu’aux États-Unis.

Notre modèle met en équation le mécanisme suivant : un choc négatif d’emploi entraînerait une baisse des salaires dans la région concernée relativement aux autres. À court terme le taux de chômage augmente mais l’effet est ensuite lissé par deux mécanismes : les travailleurs vont changer de région pour trouver un emploi ou de meilleures conditions de travail ; attirées par une main-d’œuvre moins chère, des entreprises vont, elles, s’implanter. Le bilan sur l’emploi à la fin dépendra duquel de ces deux mécanismes sera dominant.

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Lorsque l’on simule une augmentation du nombre d’emplois, nous obtenons des effets qui perdurent sur cette variable en niveau, mais pas sur des taux qui y sont associés. À moyen terme, le taux de participation (la part des actifs dans la population totale) et le taux de chômage (la part des chômeurs au sein de la population active) reviennent à leur niveau initial. Notre premier résultat montre des vitesses d’ajustements qui semblent similaires pour tous les pays de l’Union, zone euro ou non, résultat en cohérence avec l’idée d’une convergence des comportements sur le marché du travail.

Ceci n’est pas sans cacher des formes importantes d’hétérogénéité à l’échelle des régions.

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Auteur: Pierre Lesuisse, Docteur en économie – Chercheur au BETA (Strasbourg) – Enseignant à Sciences po (Strasbourg), Université de Strasbourg