Après cinq minutes d’une route sinueuse, une inscription se révèle sur un bloc de béton : « Zone de tir ». Dans un nuage de poussière, le pick-up continue sa route parmi les rochers, dans cette zone semi-désertique de l’extrême sud de la Cisjordanie occupée. À dos d’ânes, deux colons israéliens remontent le sentier en longeant la voiture. Ce 2 avril, sous un soleil à son zénith, apparaît à flanc de collines le village de Jinba. Dans la vallée de Masafer Yatta, en contrebas de la colonie illégale de Mitzpe Yaïr, Jinba est l’un des douze villages concernés par de multiples ordres de démolition, depuis qu’Israël a transformé la région en zone militaire en 1981.
Vendredi 28 mars, à quelques jours de la fin du Ramadan, il est à peine neuf heures du matin lorsqu’une quinzaine de colons s’en prennent à des bergers, à quelques centaines de mètres de la maison de Goussai, avant de se diriger vers lui. Assis sur un frêle muret de pierres, le jeune garçon de 17 ans aux yeux d’un bleu perçant se refait le fil de sa journée. « Le vendredi, à l’heure habituelle de la prière, je suis sorti pour aller prier quand j’ai vu des colons courir vers moi, les visages masqués, armés de bâtons et de gros cailloux. À peine ai-je eu le temps d’aller prévenir mon père, dans la maison, qu’ils ont fondu sur moi », se remémore Goussai.
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De ce violent assaut, le gamin porte les marques. Le bras droit dans le plâtre, des hématomes sur tout le corps et des cicatrices à la tête. Son père, Aziz, a lui aussi subi le déchaînement des colons. Goussai montre les traces de sang séché sur le sol. Frappé au crâne à coups de pierres, Aziz a désormais une dizaine d’agrafes…
Auteur: Louis Witter