En Égypte, l'enfer blanc des forçats du calcaire

Al-Minya (Égypte), reportage

Sur le pont enjambant le Nil de la ville d’Al-Minya, des camions remplis d’hommes de tous âges partent vers l’est en direction du désert, quand d’autres en reviennent, chargés de briques d’une blancheur immaculée. L’industrie du calcaire est au centre de l’économie d’Al-Minya, cette région rurale située en Haute-Égypte et dont la ville principale porte le même nom.

Dès l’aube, les travailleurs journaliers se rendent dans les carrières, ces grandes fosses à ciel ouvert sur lesquelles le soleil projette avec toute sa force ses rayons. La route qui y conduit trace un trait d’asphalte régulier à travers une étendue infinie de pierres. Devant cette immensité hostile, un homme assis à l’arrière d’une voiture, enturbanné d’un mauve assorti à sa galabieh, détaille la géographie politique du lieu : « Avant, l’exploitation du calcaire tenait de la municipalité, mais depuis l’arrivée des militaires [au pouvoir depuis 2013], l’armée a repris le contrôle sur la majorité d’entre elles. » Le nombre de carrières est difficile à évaluer puisqu’il n’existe pas de chiffre officiel, mais plusieurs sources mentionnent autour de 500 sites éparpillés dans le désert, dont beaucoup n’auraient aucune existence légale.

L’extraction du calcaire dans la région remonte à l’Antiquité

Dans le dédale de l’une des carrières, sous le flanc vertical de la roche, trois ouvriers sont assis à l’ombre pour une courte pause. Leurs corps, recouverts de poussière, se fondent dans le paysage. Ils sont une vingtaine à travailler sur cette exploitation, chacun occupant un poste bien précis. Eux sont chargé du criblage. Un mélange de granulés et de poudre est passé au tamis pour être séparé en deux. Les premiers seront donnés aux volailles comme complément alimentaire ; la poudre, quant à elle, a de multiples usages. Nous la retrouvons dans la cimenterie, la teinturerie, la céramique, mais elle est aussi convoitée par les laboratoires pharmaceutiques car elle est riche en carbonate de calcium. Localement, le calcaire est surtout commercialisé sous forme de briques, en tant que matériau de construction. Les maisons de quelques étages en pierre blanche visibles un peu partout dans les campagnes égyptiennes reflètent bien l’étendue de cette pratique.

À quelques mètres de ce premier groupe, derrière un bloc volumineux à l’allure d’iceberg, apparaît une vaste cour de surface plate et égale où s’active le reste des travailleurs. Le sol est…

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Auteur: Reporterre