En Espagne, l'agriculture intensive tue les poissons mais les pouvoirs publics tergiversent

Madrid (Espagne), correspondance

Tout le monde était prévenu. Cela n’a pas évité l’hécatombe. Depuis le 17 août, 5 tonnes de poissons et autres crustacés sont venus agoniser sur les rives de la Mar Menor (la « mer Mineure »), l’une des plus grandes lagunes d’Europe, dans la région de Murcie, dans le sud-est de l’Espagne. La pollution liée à l’agriculture intensive qui prospère dans la zone avait déjà provoqué un épisode similaire en 2019. Les déversements d’engrais avaient entraîné l’asphyxie de la faune qui peuple cet écosystème unique et jeté des milliers de poissons morts sur ses berges. Selon les associations écologistes, les causes du désastre sont parfaitement connues. Les solutions aussi. Mais rien n’a bougé depuis 2019, ou si peu…

« Quand les engrais finissent dans la lagune, ils provoquent une explosion de vie, surtout d’algues vertes, qui grandissent grâce aux nutriments, à la chaleur et au soleil. Mais ces algues ont besoin d’oxygène pour vivre. Cela débouche sur une situation d’anoxie (manque d’oxygène) : les algues consomment l’oxygène disponible et les autres animaux qui peuplent ces eaux ne peuvent plus respirer », explique Julio Barea. Docteur en hydrogéologie, il est responsable de la campagne Eau chez Greenpeace Espagne, qui a publié le 25 août dernier un rapport signalant la cause principale de la situation dans la Mar Menor.

Selon ce rapport, le grand coupable est le transfert artificiel de l’eau du Tage, fleuve qui coule bien plus dans le nord du pays, vers la Murcie, pour arroser depuis 1979 les cultures. « Dans les champs de Carthagène, proche de la Mar Menor, une agriculture industrielle intensive s’est développée grâce à cette ressource. Pour avoir trois récoltes par an, les exploitants utilisent beaucoup d’engrais chimiques, principalement à base de nitrates et de phosphates. Il y a aussi un excès d’eau, qui provient essentiellement du Tage. » Cette eau se charge de nitrates et de phosphates en passant par les terres cultivées, puis va gonfler les aquifères et cours d’eau qui alimentent la Mar Menor.

Déclin depuis 2019

Cette situation ne prend personne par surprise. En mai 2016, la branche…

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Auteur: Alban Elkaïm Reporterre