En finir avec le capitalisme thérapeutique

L’excellente librairie Météores qui depuis deux ans propage la bonne parole subversive dans le quartier des Marolles à Bruxelles, se lance dans l’édition. Le premier livre paraîtra ce 25 novembre et il s’agit d’une réédition augmentée d’En finir avec le capitalisme thérapeutique de Josep Rafanell i Orra, psychologue et thérapeute, contributeur régulier de lundimatin et cheville ouvrière des Communaux, une constellation de personnes et de collectifs oeuvrant à la réappropriation de milieux de vies dignes d’être vécues, notamment dans les milieux du soin. Pour fêter tout cela, nous publions cette préface inédite à cette doublement nouvelle édition.

Mon objectif, cette fois, serait de parvenir à une vision plutôt qu’à un point de vue. Et je savais, en montant dans l’avion pour New York, que pour ce faire je devrais peut- être commencer à détruire mon point de vue, tous mes points de vue.

Russell Banks, Le livre de la Jamaïque

Lorsque Renaud-Selim Sanli des éditions Météores m’a proposé de rééditer Pour en finir le capitalisme thérapeutique, aujourd’hui indisponible, inévitablement s’est posée la question de son actualité. Ce travail d’écriture fût en son moment un regard rétrospectif porté sur plus de vingt ans d’interventions dans des institutions dont seulement les incursions dans le grand air (parfois irrespirable) des initiatives politiques permettaient de prendre un peu de recul. Depuis, ayant poursuivi pendant une nouvelle décennie mon travail dans des dispositifs de soin, un sentiment ancien s’est affermi : qu’est-ce qui est au fondement des institutions sinon la crainte de vivre sans garanties une fois que les mondes de la communauté ont été détruits ?

Et pourtant, je ne saurais pas renier toutes ces années où j’ai côtoyé les expériences ordinaires de la vulnérabilité filtrées par les machineries interlopes des univers pastoraux, leurs violences, mais aussi, parfois à leur corps défendant, leurs hospitalités. Car c’est justement là, dans des artefacts institutionnels psychiatriques, médico-sociaux, assistanciels que nous pouvons avoir affaire à des histoires aberrantes, à des anomalies qui vont à l’encontre de la normopathie sociale. Ou pour le dire avec d’autres mots, aux devenirs extra-ordinaires des communautés défaites qui appellent à des nouvelles manières d’exister.

Cela suppose de cultiver l’attention à l’égard des formes de fragilité qui nous parlent du sans-fond anarchique de la vie. Cela suppose aussi…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin