En grève ! Étincelles et tactiques à l’aune de 1995

Rémi Azemar mène une thèse en histoire sur le mouvement social de novembre-décembre 1995. Il propose dans cet article une comparaison utile entre les modalités qu’a revêtues alors le mouvement, et la situation présente. Il décrit précisément la manière dont les grèves ont démarré et leur force interprofessionnelle, tout en revenant sur le problème de la « grève par procuration ». Ce faisant, il s’interroge sur l’enjeu fondamental de la démocratie dans le mouvement et donc sur sa nécessaire auto-organisation.

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Ce 19 janvier [2023], nous pouvions observer dans les médias les très nombreuses références au mouvement social de 1995. De prime abord, cet évènement semble avoir été convoqué pour une simple raison comptable et trancher cette fameuse question : y a-t-il eu plus ou moins de monde dans la rue en 2023 ? Le passé plane alors tel un spectre pour remettre en cause ou enraciner l’historicité du présent, comme ce fut déjà le cas en 2019 lors du dernier projet de contre-réforme gouvernemental autour des retraites. Je propose dans cet article de dépasser le quantitatif – et toutes les limites sociologiques qu’il comporte – pour scruter dans ce mouvement passé les enseignements autant stratégiques que tactiques pour notre présent.

La comparaison entre ces deux mouvements semble inéluctable tant le gouvernement Borne semble poursuivre l’œuvre du gouvernement d’Alain Juppé. Lors de la présentation de son plan à l’Assemblée nationale le 15 novembre 1995, il annonçait « la réforme des régimes spéciaux de retraite » et prévoyait « l’allongement de 37,5 ans à 40 ans de la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein » pour les fonctionnaires. De ce que le gouvernement actuel a communiqué pour l’instant, la réforme de 2023 souhaite enfoncer le clou de 1995 : report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, âge de la retraite sans décote seulement à partir de 67 ans, « simplification », autrement dit mise en cause des « régimes spéciaux ».

La rhétorique gouvernementale est, elle-aussi, du même acabit : Alain Juppé était, selon lui, guidé par « une exigence : la justice, un principe : la responsabilité et une contrainte : l’urgence » avec pour objectif de « sauver notre système de protection sociale » du déséquilibre financier. Ce même mot « justice » figure en préambule du projet gouvernemental de 2023 et martelé dans les médias par Elisabeth Borne….

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Auteur: redaction