En Haïti, « une dérive dictatoriale, avec un président corrompu, qui a mis la police à son service »

Haïti traverse une nouvelle crise institutionnelle. L’opposition estime que le mandat du président de la République en exercice a pris fin le 7 février, tandis que Jovenel Moïse, lui, se dit légitime jusqu’en 2022. Des manifestations contre le président ont été réprimées par la police à Port-au-Prince, la capitale.

Frédéric Thomas : Quelle est la situation à Port-au-Prince ?

Pascale Solages : Infernale. Mais on tient le coup. Quelques entreprises et banques ont rouvert, mais tout marche au ralenti, et les écoles sont fermées.

Emmanuela Douyon : Oui, les activités reprennent un peu, mais il y a beaucoup d’incertitudes, beaucoup de peur. Le premier décret de Jovenel Moïse, depuis qu’il n’est plus président, est la mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation. On ne sait pas ce qu’il va faire d’autres. Il est difficile de se réunir, de manifester, car la répression est là. Cela ressemble à la dictature, ça ne fait pas de doute. Je n’avais jamais pensé qu’on arriverait jusque-là si vite.

Quel est le sentiment qui domine dans de la population ? La peur ?

ED : La peur touche surtout ceux qui ont connu la dictature de Duvalier [de 1957 à 1971]. La population dans son ensemble se dit que tant qu’ils n’ennuient pas Jovenel Moïse, qu’ils ne font pas de politique… ils essayent de s’adapter. Leur peur, c’est d’abord le kidnapping.

PS : Il y a beaucoup d’indifférence, de la peur aussi en effet. Et de colère. Mais le gros de la population demeure indifférente à ce qu’il se passe. Ils rejettent Jovenel Moïse mais ils ne se mobilisent pas pour ça. C’est aussi parce que le travail de répression et pour museler les gens est bien fait.

Dans l’un de vos derniers communiqués, vous vous félicitiez que votre mot d’ordre, pour une « transition de rupture » soit maintenant largement repris…

ED : Oui, l’idée d’une « transition de rupture » a été reprise par la grande majorité des organisations de la société civile. Mais, nous sommes arrivés à une phase où il nous faut élargir le cadre, avoir une position commune, afin de parler d’une seule voix, de s’ériger comme un interlocuteur collectif.

PS : En effet, cela se retrouve dans tous les documents, toutes les propositions ; ils reprennent ce mot d’ordre, que nous avions mis en avant dans le document 4R[document de référence de Nou pap dòmi, « Exigences pour un pouvoir de transition », élaboré en 2019. Les 4R sont : rupture, relèvement, réorganisation, rigueur]. Notre discours est…

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Auteur: Frédéric Thomas