En Haute-Loire, la « route de Laurent Wauquiez » détruit nature et agriculture

  • Saint-Étienne-Lardeyrol, Saint-Hostien et Le Pertuis (Haute-Loire), reportage

« Bon, on va voir les lieux du crime ? » Xavier Maleysson, en habit de travail, le regard soucieux, a peu de temps. Les chèvres sont en train de mettre bas. Mais il veut montrer l’endroit. Un petit chemin bordé de murets en pierre est traversé par une eau claire, qui s’écoule dans un bassin. « La source n’a jamais tari. On ne boit que cette eau-là. Nous, les vaches, les chèvres. La route va nous la couper », explique-t-il.

Finie la tranquillité de ce coin de prairies et de bosquets, où ne se trouvent que deux maisons : celle de son grand-père, et la sienne. Une nouvelle portion de la route nationale 88 doit passer à quelques dizaines de mètres des bâtiments de la ferme familiale. Une déviation de dix kilomètres, qui serpentera entre les monts de la Haute-Loire, pour éviter la traversée des villages de Saint-Hostien et du Pertuis, et permettre aux véhicules de filer à 110 km/h sur une deux fois deux voies. 140 hectares, dont une majorité de terres agricoles et naturelles, vont être « aménagés », bitumés. Un viaduc de trois cents mètres de long, ainsi que treize autres ouvrages d’art dits « courants » (ponts, tunnels, tranchées, etc.) viendraient entailler les courbes d’un paysage unique en Europe : celui du pays des sucs, une série de dômes aux pentes raides et sommet rond, ayant poussé à la lointaine époque du volcanisme. Trois millions de mètres cubes de déblais devront être excavés. Le coût de ce chantier est évalué à 226 millions d’euros, soit environ 26 millions d’euros par kilomètre de route. Le tout, donc, pour éviter les deux centres-bourgs. Le premier compte 740 habitants, le second 460.

« La nuit, j’entends les arbres qui craquent dans les broyeuses »

On grimpe sur le petit chemin de la source. En haut de la colline, les piquets de géomètre dessinent la future route, sur une large bande. « La route fera quinze mètres de large, mais ils en prennent cent cinquante, à cause des talus », peste Xavier Maleysson. Une tranchée creusée à travers le mont. « Là, on sera au-dessus de la route, qui sera plusieurs mètres plus bas. Ils me mangent dix hectares. » Une petite cabane de pierres sèches marque le coin d’une prairie : une chibotte, typique de la zone et construite par les bergers autrefois pour s’abriter. Elle donne son nom à la ferme. Pas suffisant pour la sauver, elle sera détruite. De même que le petit chemin, qui va être remplacé par un pont surmontant la…

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Auteur: Marie Astier (Reporterre) Reporterre