Auroville (Tamil Nadu, Inde), reportage
Pour le voyageur en quête d’alternative, le charme opère rapidement. Au cœur d’une forêt tropicale, Auroville abrite des hameaux écologiques, des jardins pour enfants verdoyants, des magasins gratuits et sans déchet, un restaurant alimenté par concentrateur solaire, des fermes bio, des centres éducatifs, de recherche ou de méditation… Une population venue des quatre coins de l’Inde et du monde évolue dans cette trame urbaine à mi-chemin entre Brasilia et une zad.
Auroville, « la ville dont la Terre a besoin », est une impressionnante utopie en action. Difficile d’imaginer qu’il y a soixante ans, on trouvait ici des terres arides, sur lesquelles des millions d’arbres ont été plantés par quelques idéalistes. Difficile aussi d’imaginer que cette communauté, malgré le travail achevé, est au bord de l’implosion. En témoignent, cependant, des routes éventrées et un certain silence parmi les Auroviliens. « On a peur de parler à visage découvert, elle a la main sur nos visas et nos emplois », glisse l’un d’eux.
Elle, c’est Jayanti Ravi, secrétaire d’Auroville, dont la nomination, en juillet 2021, a provoqué une crise sans précédent. Choisie par le gouvernement indien, la secrétaire participe à l’administration de la ville à travers la Fondation, une sorte de municipalité imaginée pour Auroville en 1988. Après quelques jours de rencontres avec les résidents, Jayanti Ravi a affiché son mécontentement : Auroville a failli à sa mission d’accueillir 50 000 habitants. Fraîchement arrivée, la secrétaire entend rattraper le temps perdu.
Des bulldozers en pleine nuit
La crise a éclaté au grand jour il y a un an. En décembre 2021, des bulldozers, accompagnés de policiers puis de milices locales, sont entrées dans Auroville en pleine nuit, rasant des bâtiments, un centre d’activités pour jeunes, et abattant un millier d’arbres. De nombreux Auroviliens paniqués ont tenté de s’opposer aux engins en formant des chaînes humaines. Les images des affrontements ont fait le tour des réseaux sociaux et des médias locaux. Sur une décision du tribunal environnemental national, les travaux ont été gelés. Mais le conflit avec la nouvelle administration et les résidents n’a cessé, depuis, de s’envenimer.
En jeu, une complexe bataille mémorielle autour des fondateurs d’Auroville, notamment Mirra Alfassa, « la Mère », une mystique française héritière du philosophe indien Sri Aurobindo. Théoricien du yoga intégral,…
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Auteur: Côme Bastin Reporterre