« En mon nom »

Poète, critique, traducteur, Franco Fortini (1917-1994) a été une figure intellectuelle majeure de l’Italie d’après 1945. Né Lattes d’un père juif antifasciste et ciblé comme tel, Fortini prend, en 1940, soit deux ans après le vote des lois raciales italiennes, le nom de sa mère. La lettre aux juifs italiens est son seul texte signé du nom de Lattes.

Son premier texte sur Israël et le judaïsme, Les chiens du Sinaï, est écrit l’été de la guerre des Six jours, en 1967. Il dira, en 1978, qu’il l’a écrit « avec colère, à muscles tendus, avec une rage extrême. Son désespoir est encore juvénile ; il dissimulait maladroitement l’espoir ». S’il fut longtemps le seul texte connu et traduit de lui en France, il le doit au film de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Fortini/Cani, tourné en 1976 : filmé trois ans après la guerre du Kippour, la colère et l’espoir ou, davantage, le possible, y sont inentamés : « Avant tout croire, comme disait Lénine, qu’à chaque situation il existe une issue et la possibilité de la trouver. Cela signifie que la vérité existe, absolue dans sa relativité. » Dans Un lieu sacré, écrit après un séjour à Jérusalem, entre Israël et Palestine, en avril 1989, soit deux ans après le début de la première Intifada, Fortini explique pourquoi il a fait silence sur la question juive et Israël après Les chiens du Sinai, et pourquoi il le rompt : « Plus je lis, depuis maintenant vingt ans, les discours très compliqués, surabondants (et souvent mystificateurs) des juifs sur eux-mêmes (et des non juifs sur la question juive), avec leurs mille courants, plus, depuis Les chiens du Sinaï, j’évite de dire quelle est ma position. Mais il est des situations et des circonstances où il m’est impossible d’oublier que, si ce n’est par le nom de ma famille, j’ai peut-être un peu plus que les autres (mais à peine un peu) quelque devoir de parole. » La lettre aux juifs italiens met en œuvre ce devoir, une…

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Auteur: dev