En réécrivant l’histoire, le gouvernement polonais déforme l’Holocauste

En janvier 2018, le parlement polonais a adopté une loi permettant d’imposer des peines de prison qui peuvent aller jusqu’à trois ans à toute personne ayant déclaré que les Polonais ont eu une quelconque responsabilité ou complicité dans les crimes nazis pendant l’Holocauste.

Le 15 février, l’auteur Jan Grabowski discute, dans le cadre d’un événement en direct organisé conjointement par The Conversation/La Conversation et le Conseil de recherches en sciences humaines, de ses recherches sur l’Holocauste.

La loi, qui vise à faire taire les historiens, a instauré un climat tendu dans les milieux universitaires et ailleurs.

J’oriente mes recherches sur les relations entre les Juifs polonais et la population non juive locale.

Le gouvernement polonais a décidé (directement ou par procuration) de porter contre moi des accusations au civil. J’ai été poursuivi pour diffamation, et des organisations polonaises ont demandé que je sois démis de mes fonctions de professeur d’histoire à l’Université d’Ottawa.

Plus récemment, j’ai été interrogé par l’Agence de sécurité intérieure de la Pologne, et le ministre de la Justice du pays a exprimé son indignation à l’égard de mon travail.

Ce ne sont là que quelques-uns des enjeux juridiques et extrajuridiques actuels liés à l’écriture de l’histoire de l’Holocauste en Pologne.

Une statue d’un homme portant un enfant avec d’autres enfants derrière lui

Un monument à la mémoire de Janusz Korczak, mort dans la chambre à gaz du camp de la mort de Treblinka en 1942, avec les enfants de l’orphelinat juif qu’il dirigeait dans le ghetto de Varsovie.
(AP Photo/Czarek Sokolowski)

Histoire et nationalisme

L’idée que des franges de la société polonaise se soient rendues complices de l’Holocauste pendant la guerre a longtemps constitué un sujet tabou.

Le parti d’extrême droite Droit et Justice est arrivé au pouvoir en Pologne en 2015. La défense de la réputation de la nation est l’un des éléments centraux de son programme politique et un moyen sûr de consolider sa base électorale.

Les historiens et enseignants indépendants, dont je fais partie, sont devenus la cible de campagnes de haine virulentes dans les médias d’État et contrôlés par l’État.

Les historiens de l’Holocauste ont pour dicton : « Je n’ai pas choisi d’étudier l’Holocauste, c’est l’Holocauste qui m’a choisi. »

Après une formation en histoire des 17e et XVIIIe siècles, je me suis tourné vers l’étude de l’Holocauste de manière inattendue, au début du XXe siècle, quand je me suis rendu à Varsovie au chevet de mon père, un survivant de l’Holocauste, qui était malade.

Ayant un peu de temps libre, j’ai fait ce que font la plupart des historiens : je suis allé aux archives locales. C’est là que je suis tombé sur des milliers de dossiers des tribunaux allemands de l’époque de l’occupation de Varsovie.

Ce qui a éveillé ma curiosité, c’est qu’il y avait des centaines de dossiers concernant des Juifs du ghetto de Varsovie. J’ai découvert que les Allemands les poursuivaient pour avoir enfreint divers règlements nazis : refus de porter le brassard avec l’étoile de David, sortie du ghetto sans permission, violation du couvre-feu, achat et contrebande de nourriture du côté « aryen » vers le ghetto ou « diffamation de la nation allemande » – ce qui signifiait généralement avoir raconté des blagues sur l’occupation.

Des fleurs à côté d’une tombe avec une étoile de David

Monument à Wojsławice, en Pologne, à la mémoire des 60 Juifs exécutés dans la ville pendant l’Holocauste.
(AP Photo/Czarek Sokolowski)

Les témoins de l’Holocauste

Raul Hilberg, éminent historien de l’Holocauste, a divisé le paysage humain de l’Holocauste en trois catégories : les exécuteurs, les victimes et les témoins. Au fil des ans, nous avons beaucoup appris sur les exécuteurs allemands et les victimes juives de l’Holocauste, mais beaucoup moins sur la dernière catégorie, qui demeure mal définie.

Qui étaient les témoins ? S’agissait-il de personnes qui ne savaient rien de la tragédie que vivaient les Juifs ? Ou de personnes qui, sachant ce qui se passait, avaient choisi l’indifférence ?

La Pologne était un épicentre de…

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Auteur: Jan Grabowski, Professor, Department of History, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa