En réponse à « taggeurs ou ennemis de classe ? »

Beaucoup de graffeur·euses ont sûrement questionné l’individualisme et la futilité de leur pratique. Beaucoup de graffeur·euses ont probablement imaginé un monde où la compétition des égos céderait la place à un mouvement collectif. Beaucoup de graffeur·euses ont peut-être rêvé d’un moment où l’énergie du graffiti se canaliserait vers un horizon commun. Tous ces efforts déployés au quotidien simplement pour poser de la peinture, des blases, des dessins et des formes sur des murs ou des hangars, des bords de voies ferrées ou d’autoroutes, des trains ou des ruines ; toute cette détermination, cet acharnement a quelque chose de fascinant, presque vertigineux. Repérer, voler, transporter, franchir, escalader, ramper, courir, inscrire. Peindre pendant des heures, parfois dans le froid, sous la pluie, les pieds dans les ronces ou dans les égouts. Venir faire la photo le lendemain, découvrir quelques jours plus tard que la mairie a déjà tout effacé. Revenir et peindre encore. Se faire dénoncer, insulter, klaxonner, courser, tabasser, arrêter, juger, condamner, enfermer. Mourir aussi parfois. Tout ça uniquement pour poser son blase ? Avec le recul, ça semble follement futile. Limite pathologique. Du gâchis ? Sans doute. Mais peut-être y’a t-il autre chose.

Le graffiti est un acte en pure perte, comme il y en a peu, qui coûte beaucoup et ne rapporte rien de plus que le plaisir de faire et d’être, seul ou ensemble, mais en ayant la sensation forte de vivre et d’appartenir à un mouvement collectif. Le dépassement, l’illégalisme, l’adrénaline ; s’amuser, être alerte, sentir la rue dont on nous arrache chaque jour de nouveaux morceaux, le frisson que provoque ses odeurs, ses couleurs et ses bruits. S’exprimer et avoir la satisfaction de voir en vrai, grandeur nature, les traits qu’on a imaginé dans un coin de tête ou de feuille. Et tout ça secrètement, dans l’anonymat, sans autre reconnaissance que celle qu’on peut se donner à soi-même. Accepter de s’effacer derrière un blase ou un crew, exister sous une autre identité ça fait parfois du bien.

Il y aurait un principe selon lequel les messages « politiques » seraient plus légitimes que les autres formes d’expressions, auraient plus de valeur. D’une part parce qu’ils auraient plus « d’impact » sur « les gens » ou parce qu’ils auraient plus d’efficience en tant qu’outil de lutte. Pourquoi pas, mais admettons que ça reste difficilement mesurable et qu’on a rarement vu un gouvernement rendre les armes ou…

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Auteur: IAATA