En Russie, la guerre paralyse la recherche sur le climat

C’est l’une des innombrables conséquences de l’invasion russe en Ukraine et des sanctions occidentales imposées en réaction à la Russie. La plupart des projets internationaux menés en Sibérie et dans l’Arctique russe sur le changement climatique ont été suspendus.

« C’est très dommageable. En près de trente ans de recherches sérieuses, la Russie est devenue l’un des principaux laboratoires in situ au monde sur la dégradation du pergélisol lié au réchauffement climatique et sur les réactions en chaîne que cette dégradation provoque », déclare Alexander Fedorov, le directeur adjoint scientifique de l’Institut Melnikov du pergélisol à Iakoutsk.

Fondé dans les années 1960, ce centre de recherche de renommée mondiale est entièrement dédié à l’étude du pergélisol, sous-sol gelé en permanence qui recouvre 60 % du territoire russe. Il emploie 250 personnes et gère plusieurs stations de recherche en Iakoutie, immense territoire de Sibérie occidentale (grand comme l’Inde) où le réchauffement climatique est deux à trois fois plus rapide qu’ailleurs sur la planète. Alexander Fedorov y travaille depuis quarante-deux ans. « On sait que cela se réchauffe depuis la fin des années 1970. Dès 1980, on a mis en place des postes d’observation pour mesurer la température du pergélisol, la profondeur de la couche active, le processus de dégradation… ». Selon lui, les sanctions réduisent les financements de projets en Russie, mais elles affectent aussi les chercheurs occidentaux qui ne peuvent plus venir en Sibérie réaliser leurs missions de terrain.

Dans son laboratoire souterrain, l’Institut du pergélisol de Iakoutsk étudie l’état du sol gelé en stockant les carottages à des températures négatives. Ici, en novembre 2021. © Antoine Boureau/Reporterre

« Nous sommes en contact permanent avec nos collègues russes »

C’est le cas d’Antoine Séjourné, chercheur au laboratoire Goeps (Géosciences Paris-Saclay). Dans le cadre de ses travaux, ce spécialiste de la géomorphologie et l’hydrologie réalise depuis 2010 des séjours annuels dans le petit village de Syrdakh, en Iakoutie. Dès le début de la guerre, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a suspendu les autorisations de missions en Russie pour question de sécurité.

Le chercheur travaille notamment sur un projet international baptisé Prismarctyc, réunissant des collègues français, russes, japonais et étasuniens, qui vise à mesurer les conséquences du dégel du pergélisol sur les…

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Auteur: Estelle Levresse Reporterre