En Russie, « la situation est mauvaise, voire catastrophique, pour un grand nombre d'ONG et de médias indépendants »

Basta! : Quels sont les combats les plus emblématiques de Mémorial, depuis sa création il y a 30 ans ?

Anne Le Huérou : Le « groupe d’initiative Mémorial » voit le jour en 1987 à Moscou, à la faveur de la perestroïka [les réformes lancées en 1985 par Mikhaïl Gorbatchev, visant à démocratiser l’URSS, ndlr], et entame un travail sur l’histoire et la mémoire des répressions staliniennes. Mémorial essaime dans toutes les régions russes et prend le nom de Société Mémorial en 1989. Andreï Sakharov, dont on vient de fêter le centenaire de la naissance, en a été l’un des premiers organisateurs aux côtés d’autres ex-dissidents célèbres. Mémorial va, tout en gardant son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, jouer un rôle crucial dans la réhabilitation des victimes des répressions, le vote de lois, la constitution d’archives puis d’une base de données en ligne des victimes, grâce au travail de toutes les branches régionales.

Parallèlement, la nécessité de promouvoir les droits et libertés fondamentales dans l’opinion, de soutenir la construction d’un État de droit et d’une société démocratique fait émerger une autre organisation « sœur », fondée dès 1991 par les mêmes personnes : le Centre des droits humains (CDH) Mémorial. La montée de tensions nationales en Russie et dans l’espace post-soviétique va amener le CDH Mémorial à documenter les violations des droits de l’homme dans les conflits armés auxquels participe la Russie, en particulier les guerres de Tchétchénie. Le travail initié depuis 2004 autour des prisonniers politiques est un autre combat emblématique.

Ces mobilisations ont-elles fait bouger les lignes en Russie ?

Sur la réhabilitation des victimes de la répression stalinienne, l’analyse rigoureuse et sans concession du rapport au passé soviétique, avec l’apport de la constitution d’archives, est considérable, inégalé et reconnu par les historiens académiques en Russie. Il faut aussi souligner les activités éducatives, auprès des écoles notamment, avec l’organisation d’un concours annuel de travaux lycéens sur les histoires familiales – une manière originale d’aborder l’Histoire par les parcours familiaux. À l’actif de ses activistes et historiens, il y a aussi la découverte de charniers, des monuments aux victimes de la répression dans des dizaines de régions ainsi que des centaines d’expositions, de rencontres, de conférences…

À partir du milieu des années 2000, un discours patriotique visant à…

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Auteur: Ivan du Roy