En Sibérie, la fonte du pergélisol est une calamité

Dikimdya, Berdigestiakh et Iakoutsk (Iakoutie, Russie), reportage

Sur la route enneigée de Dikimdya, petit village de Iakoutie centrale à plus de 7 000 kilomètres de Moscou, le paysage de taïga laisse soudain la place à des champs au relief étrange. De chaque côté de la chaussée, les terrains sont couverts de « bosses » aux formes presque régulières. « Ces dépressions du sol s’appellent des “thermokarsts” », explique sur place Nikita Tananaev, chercheur à l’Institut du pergélisol de Iakoutsk, la capitale de la Iakoutie.

Vue aérienne des monticules créés par la dégradation du pergélisol, les « thermokarsts », aux environs du village de Berdigestiakh, en novembre 2021. © Antoine Boureau/Reporterre

Située en Sibérie orientale, la République de Sakha — le nom officiel de la Iakoutie — est la plus grande région de Russie. Les terres de pâturage autrefois planes se déforment sous l’apparition de monticules, formés en raison du changement climatique. « Le réchauffement fait fondre la glace souterraine — qui se trouve sous la couche active du pergélisol. La forme particulière des bosses est due à la constitution même de la glace, qui s’organise en polygone », précise l’expert en hydrologie, originaire de Moscou.

Apparition de nouveaux lacs 

On appelle « couche active » du pergélisol la couche qui fond chaque été et regèle en hiver. Auparavant, elle mesurait entre 2 m et 2,5 m de profondeur selon les endroits, désormais sa taille augmente. En clair : la couche souterraine de pergélisol qui ne fondait jamais se met à fondre également. Quand le sol contient beaucoup de glace, comme c’est le cas ici, les conséquences sont critiques. « Cela entraîne une perte de volume et un affaissement du sol par endroits. » Nikita Tananaev indique une isba à l’extrémité du champ : « C’est une ferme de chevaux. Leurs animaux pâturaient ici, maintenant c’est devenu impossible. »

Le village de Berdigestiakh, en novembre 2021. © Antoine Boureau/Reporterre

Le réchauffement climatique entraîne également des remontées d’eau qui font apparaître de nouveaux lacs et réduisent encore les terres disponibles. Un fléau pour le peuple sakha, ethnie majoritaire dans les villages de Iakoutie et vivant principalement de l’élevage de chevaux et de vaches. Leurs races, adaptées au climat extrême de la région, pâturent à l’extérieur et creusent la neige pour se nourrir, y compris en hiver par – 50 °C. « Pour que les bêtes ne meurent pas de faim, les…

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Auteur: Estelle Levresse Reporterre