« Enjoy the ride » III

Au tout départ, on était seul. Comme en cellules microscopées. On l’était tous. Et ça bougeait dans tous les sens, déjà. Au tout départ on ne savait pas, s’il y avait eu comme un départ, une heure zéro, qui réfuterait l’illimité. Mais l’on avait avec nous le pressentiment infra-mondain, d’un peu avant le monde, d’une vie vécue antérieurement (qui avait dû persévérer en son bord). La vie antérieure plutôt que la vie intérieure. La rétrospection recréatrice plutôt que l’introspection thérapeutique, grave. Le surgissement impersonnel des Événements plutôt que le développement personnel de sa petite misère.

L’infinitif des verbes anonymes (et pourtant parfaitement clairs) qui nous transportent en leurs éclats plutôt que le sujet d’une phrase conçu comme son propre fondement (loquace sur son obscurité). Vivre n’est pas un effet de langage. Mais les effets de langage ne sont pas rien puisqu’ils sont vivre. Rien ne se développe dans l’harmonie de formes préétablies, surcodées par l’anticipation d’une intelligence ordonnatrice. Tout arrive, tout craque, le code, les lignes, les courbes : tout fuit et tout coule. Tout, s’était donc précipité ! L’Événement était en pleine crue ! Et aucune sorte de pasteur malhonnête, Créateur, ne se trouvait là pour nous le faire passer. Lui aussi avait dû fuir – sans qu’on en soit plus tranquille, d’ailleurs. Mais on avait avec nous la certitude de l’expérience, du péril traversé, que tout ça n’en finirait pas puisque que tout ça n’avait jamais commencé ; et qu’une fente, fissure, fission, nous avait ouverts en s’ouvrant elle, et puis jetés au grand dehors : BIG ! BANG ! Multiplication des BIG BANG ! Multi∏cation par division. Mathématiques affolées, bleues pelliculantes, qui poudroient dans l’Univers, voix émergentes, perçantes, qui passent au travers l’épaisse tourbure des événements, et laissent entrer de ce « chaos libre et venteux » derrière le Cloud de nos données stockées, chiffrées : faire que l’on respire un peu, haletant vers l’horizon – de l’air, de l’air, de l’air, comme un principe de respiration suffisante – branché sur courant électrique, conversion de paroles perdues en signal mécanique, bras/mains palmés, nageoires 3D : paré pour la grande apnée ! et s’engouffrer dans les fentes apparaissantes, disparaissantes, profondes, du grand bain de nos cellules : tout un voyage nerveux incertain (la vie jusqu’aujourd’hui). Vacillation étourdissante des nerfs enhardis ;…

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Auteur: lundimatin