Ensauvagement, décivilisation et brutalisation…

John Singer Sargent. — « Gazés », 1919.

«Ensauvagement » : mot-diagnostic censé dénoncer et caractériser la violence urbaine en général, ici livré par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin à l’occasion d’une agression de policiers. On ne doute pas un instant qu’il est délibéré et même pensé. On n’est pas sûr qu’il ait été bien choisi, quelle que soit la réalité de la montée de la violence physique et verbale depuis quelques décennies.

Lire aussi Vincent Sizaire, « Réprimer la délinquance des puissants », Le Monde diplomatique, février 2020.

Nommer n’est pas neutre, spécialement en politique. Cela est source de bien des conflits, de méprises et d’accusations. Les mots portent un sens qui contraint leurs utilisateurs, souvent sans qu’ils le sachent eux-mêmes. On comprend qu’une partie de la langue de bois politique vienne de cette intuition, chez des responsables qui connaissent mieux par expérience les chausse-trappes du langage. Spécialement sur des sujets où pointe facilement l’ombre de l’indicible. La violence en fait partie dès lors que sa seule évocation suscite des soupçons sur sa juste évaluation. Montée ou non ? Les propos du ministre ont donc suscité d’inévitables commentaires : dans le contexte, « ensauvagement » s’appliquait aux jeunes de banlieues populaires, protagonistes de ces violences, et censés agir de plus en plus violemment.

Or non seulement le terme n’est pas neuf mais il voisine avec d’autres termes dont un aperçu permet d’apprécier derrière le son, l’ampleur du sens. Trois termes au moins peuvent permettre de penser une violence croissante : ensauvagement, décivilisation et brutalisation.

Lire aussi Gérard Mauger, « Eternel retour des bandes de jeunes », Le Monde diplomatique, mai 2011.

Les déclinaisons de « sauvagerie » — sauvage, ensauvagement, auxquels on pourrait ajouter…

Auteur: Alain Garrigou
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