Entre France et Espagne, l'autre traversée périlleuse des migrants

Cerbère (Pyrénées-Orientales), reportage

Un dédale de rails s’enfonce dans la montagne. Depuis les quais de la gare, l’entrée du tunnel des Balitres ressemble à deux grandes bouches sombres. Ce long boyau long de 1 064 mètres relie Cerbère (Pyrénées-Orientales), en France, à Portbou, en Espagne. Sur le ballast gisent des brosses à dents, des vieux tee-shirts, des serviettes de toilettes ou des papiers administratifs déchirés. Ces objets, signes du passage de personnes migrantes, sont ramassés par David Cerdan, cheminot qui s’occupe la maintenance des infrastructures. Cela fait plusieurs mois que ce syndicaliste CGT alerte la SNCF sur la présence des migrants dans le tunnel et sur les risques qu’ils encourent. « J’ai prévenu la direction, mais nos conseils n’ont pas été écoutés. Ils ont préféré mettre des barbelés partout. Cela empêche les gens de sortir du tunnel et ils se trouvent ainsi pris au piège. C’est vraiment dangereux pour leur vie », explique David Cerdan.

La ville-frontière de Cerbère a toujours été un point de passage migratoire, mais depuis quelques mois, le nombre de traversées a largement augmenté. Selon les chiffres de la préfecture des Pyrénées-Orientales, près de 12 865 étrangers en situation irrégulière ont été refoulés à la frontière franco-espagnole en 2021. Un chiffre en progression de 29,2 %. Et beaucoup préfèrent aujourd’hui passer par le tunnel, pour éviter les contrôles policiers sur les routes.

David Cerdan nous montre des tâches de sang au sol. Probablement des personnes migrantes blessées à cause des barbelés. © Laury-Anne Cholez / Reporterre

Sous un pont soutenant la voie ferrée, David Cerdan s’accroupit et pointe des traces de sang séché : « Quand je suis venu avec des journalistes espagnols il y a deux jours, le sang était encore frais. Je suis sûr que c’est un jeune qui a voulu sauter et qui a été blessé par les barbelés ». Un peu plus haut, il marque une pause et regarde une dalle d’où suinte un mince filet d’eau. « Le robinet qui était ici vient d’être enlevé. Je suis dégoûté car cela permettait aux gens d’avoir un peu d’eau avant d’arriver en ville. Ils ont toujours très soif après de si longues heures de marche. »

« Porte de l’enfer » et mise à pied

Il grimpe ensuite sur le petit talus donnant directement sur le tunnel, où des barbelés ont été ajoutés au-dessus du grillage. « Je ne vous dis pas que je n’ai pas envie d’aller chercher une pince pour couper ces…

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Auteur: Laury-Anne Cholez (Reporterre) Reporterre