Esclave et danse de la peur

Eh, toi, à quoi crois-tu ? Que le vaccin est la panacée et va nous sortir de ce pétrin ? Que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles et que les gouvernants « font du mieux qu’ils peuvent », car « c’est dur », (« il n’y avait pas de cours ‘pandémie’ à l’ENA ») ? Que « élections piège à cons », tous pourris, allons fonder un écovillage ? Que les Français sont d’obéissants moutons ? Je me demande un moment : croire est-ce s’aliéner volontairement afin, somme toute, de trouver un peu de repos dans nos humanités bouleversées ? Est-ce irréversible ou momentané ? Autrement dit : y a-t-il des périodes lors lesquelles notre besoin de croire est exacerbé ?

Esclave mourant, Michel-Ange, 1513-1515, Musée du Louvre

Je me suis confrontée, dans cette histoire de corona, à un irrépressible désir de croire, incarné en diverses sentences et énoncés, plus profondément apparenté à la croyance (je vais dire « désir de croire », car je ne peux pas croire (…) qu’il n’y a pas là un peu d’aveuglément mi-conscient) que ceux qui nous dirigent nous veulent du bien, agissent conformément à des principes indélébiles et, surtout en ce moment, qu’ils œuvrent pour la vie et le bien de l’humanité – sa sauvegarde (et, là, on renifle tranquillement le danger).

Je me représente ce désir de croire comme une orbe qui englobe le réel et lui appose un masque (on parlera alors de « réalité », où j’entends une certaine disposition quant à l’abord du réel, modelée par des affects, ici au premier chef, la peur). Ce masque est ancien, et on respire à travers lui depuis bien longtemps. De deux choses l’une : non seulement ce désir de croire est intérieur, nécessaire et vital à l’humain – j’ai besoin de croire à des histoires qui me racontent la mienne, de croire que ce que je fais a un sens –, mais il est happé, comme rapté par une caste au pouvoir qui lui donne une image – et il est bien plus facile d’avoir une représentation toute-faite de notre désir que de se la bâtir en prenant conscience de ses fluctuations infimes et infinies. Ainsi, se rend-t-on compte que l’image présentée désirable, incarnant les valeurs de justice, d’ordre et de paix, est fausse, mensongère et aliénante, en veut-on abattre le plus éminent représentant, c’est-à-dire celui qui condense en lui-même le corps et l’âme du pouvoir, synthétisant la chaîne des faits et des représentations. Espoir déçu qui s’était là niché alors…

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Auteur: lundimatin