Il y a cette carte digitale : d’abord l’empire de la perception, mais une perception biaisée parce que cartographiée. Ceci ne peut pas exister comme cela : ce n’est pas possible. Et pourtant il y a toujours la carte : comme une immense simplification, une immense réduction, une immense régression. Je cherche un point sur cette carte : Monte Samai.
C’est une communauté paysanne que je dois rejoindre pour y travailler quelques semaines, peut-être plus : en voyage le hasard est roi. Alors je regarde cette carte sur mon téléphone : en soi, c’est déjà bizarre. Une perception quelconque, biaisée, probabilisée, donc – puis s’ensuit l’imagination de ce lieu. Comment va-t-il être ? J’ai quelques photos avec moi : la “nature”, comme on dit… Alors ça doit être calme. C’est entre les montagnes – là le rapport cartographique est très clair : au milieu des Andes, à une heure et demie de Bogotá, dans une nasse montagneuse et brumeuse – comme une compagnie de CRS avec des grandes oreilles verdâtres et des vaches qui traînent et de l’herbe sur l’uniforme – une GAV à ciel ouvert. Ou bien le paradis des zadistes.
De la perception à la déception, il n’y a qu’un pas. C’est même inévitable : cette carte et ces photos, que veulent-elles dire ? Ce sont des images, des représentations – un lieu réduit à des pixels, à de la lumière, et encore : il faut que j’aie de la batterie. Mais malgré tout, l’imagination est une puissance de survie. Alors dans le bus qui traverse les montagnes, je me plais à imaginer ce qu’il y a derrière cette carte et les photos qui l’accompagnent. Je sais que je serai déçu, c’est toujours le cas : la représentation est toujours déjà une déception. Car décalage, car dévoiement, car détourage. La carte simplifie la réalité :…
[Photos : Daniela Castrillón]
Auteur : lundimatin
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