Pierre Alferi est mort le 16 août. Il nous avait confié, il y a quelques années, ce très beau recueil et la rue. Nous le republions ici, en hommage.
la pluie glacée poursuit
chacun dans son impasse
la berge étroite
du flux de tôle
autour des foyers électriques
les grappes de nous
venus nous réchauffer les fesses
ou nous brûler les yeux
sommes
d’animaux rationnels
non-entiers fractions
irréductibles
au dénominateur commun
proche de zéro
*
* *
trivial tu cours les rues
en sandales avec ta baguette
dorée tes sacs on te
croise parlant cuisine
relations professionnelles
organisation domestique
sport le visage bougé
lourd de sens des rumeurs
je te l’emprunte pour cent pas
sur le trottoir je coule
mon malaise dans les vaisseaux
de l’insignifiance
partagée quand faire barrage
excède et s’épuise
le stock des répliques
*
* *
quel intestin expulse
les ressortissants
d’ailleurs
pourquoi
au juste un mot
dirait-il la violence
« violence » ?
qui se déploie
détaillée dans
les opérations de police
*
* *
la honte nous survivra
nos descendants diront
enjambaient des corps
longeaient des familles à terre
pour faire leurs courses
ou des as du contrôle
héros de sf
parleront de l’époque
où l’on s’est mis à s’entrevoir
en mesures de chair
humaine biomasse
sans dessin fixe
et scruteront les figurants
au drôle d’accent
d’une série Z en costumes
*
* *
tu n’avais pas vu le quartier
depuis… alors ?
ce qui a changé les boutiques
le raffinement du concept
phyto chéro déco bio
occupera l’un des 10 000
vers des métamorphoses du vide
mais entre chien et loup
dans la filigrane des vitrines
bas des joues plissé
rideau de théâtre
cendre sur la tête
le regard furtif
je ne sais quoi de minéral
raide usure nouvelle
fait froid
dans le dos de qui
me précède
*
* *
noire en bloc
baskets jean parka
foulard et lunettes
est l’élégance même
*
* *
aux churros aux burgers
l’ange restauré
sourit dans la zone art
nouveau piétonne
envahie d’opticiens
agences…
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Auteur: dev