Le miracle qui sauve le monde, le domaine des affaires humaines, de la ruine normale, « naturelle », c’est finalement le fait de la natalité, dans lequel s’enracine ontologiquement la faculté d’agir. En d’autres termes : c’est la naissance d’hommes nouveaux, le fait qu’ils commencent à nouveau, l’action dont ils sont capables par droit de naissance. Seule l’expérience totale de cette capacité peut octroyer aux affaires humaines la foi et l’espérance, ces deux caractéristiques essentielles de l’existence que l’Antiquité grecque a complètement méconnues, écartant la foi jurée où elle voyait une vertu fort rare et négligeable, et rangeant l’espérance au nombre des illusions pernicieuses de la boîte de Pandore. C’est cette espérance et cette foi dans le monde qui ont trouvé sans doute leur expression la plus succincte, la plus glorieuse dans la petite phrase des Évangiles annonçant leur « bonne nouvelle » : « Un enfant nous est né. »
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne)
2024 s’est mal terminée, et 2025 s’annonce pire. Grosse chute de moral ces jours-ci, entre fêtes et mauvaises nouvelles. Mauvaises au sens fort. L’enfant qui nous est né est mort aussitôt après, de froid à Gaza ou noyé au large de Lampedusa. Enfants assassinés par les murs, les mots et les bombes. Assassinés une deuxième fois par le silence des médias, qui ont préféré se focaliser autour 1) du « miracle » syrien (ou la chute d’un dictateur complaisamment toléré depuis des décennies par le concert des nations) 2) d’une tuerie à Magdebourg (perpétrée par un islamophobe proche des néonazis de l’AFD, laquelle a aussitôt transformé la signification de l’événement en charge contre les réfugiés et le soi-disant laxisme des autorités à leur égard) et 3) d’une autre (tuerie) dans le « Vieux Carré » (ou « Quartier français ») à la Nouvelle-Orléans (même tentative de l’innommable Président américain, de transformer la…
Auteur: dev