Et le verbe se fit chair

En guise de joyeux noël, on nous a transmis cet article d’Agustín García Calvo (1926-2012), philologue espagnol, linguiste, poète, dramaturge, penseur radical et maître de plusieurs générations d’incrédules et de rebelles, dont les éditions La Tempête ont fait paraître cette année l’ouvrage Histoire contre tradition. Tradition contre Histoire.

Chaque fois que cela se répète, année après année, siècle après siècle (et ‘cela’, ce sont ces mots et le fait qu’ils relatent), la merveille de ce mysterium simplicitatis, résonnant de nouveau et se produisant sans fin, grandit et grandit la merveille qu’on ne le comprenne pas. « Et la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont pas comprise », et ne la comprennent toujours pas. Est-ce pour cela que Jean étudia avec ferveur le livre d’Héraclite le Ténébreux, où parlait la raison commune, et en appliqua les formules au cas du Messie de Judée et que, pour mieux les dire, il se dédoubla en deux Jeans, celui qui venait avant, donnant nom à la Vie, et celui qui venait après la mort, proclamant la parole ? Est-ce pour cela que le monde a laissé ces formules de la logique de la claire contradiction être répétées au cours des siècles dans des cantiques et des psalmodies (« ‒ Et le verbe s’est fait chair. ‒ Et il a habité parmi nous ») par des milliers et des milliers de gens analphabètes, paysans de la vaste Russie tenant entre les engelures de leurs doigts des bougies colorées, petits noirs des Antilles balbutiant en chœur dans leurs aubes blanches, tous sans comprendre ce qu’ils récitaient, mais du moins ne croyant pas le comprendre, le répétant fidèlement de mémoire ou, comme on dit, par cœur ? Mais la meilleure façon justement de ne pas le comprendre est de croire qu’on l’a compris, autrement dit qu’on s’en est fait une idée. Ainsi, pour commencer, ils durent convertir en un personnage historique (peu…

Auteur: lundimatin
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