Et si on éliminait les accents… de nos façons de penser ?

On parle beaucoup des accents ces derniers temps, que ce soit pour envisager leur place dans les médias, pour dénoncer les discriminations dont certaines personnes peuvent faire l’objet, ou encore de manière ingénue, pour s’étonner de l’« accent » de l’ancien premier ministre français, Jean Castex.

Pour autant, on ne définit jamais l’accent, et on fait souvent comme si la notion s’imposait d’elle-même.

Or, elle pose tellement de problèmes aux chercheurs et chercheuses qu’il est désormais possible de se demander si nous n’avons pas intérêt à nous en passer, pour parvenir à communiquer avec plus de précision sur la variabilité des prononciations dont on souhaite parler. Cela fait plusieurs années que les approches critiques des accents se multiplient, jusqu’au récent colloque de Grenoble où nous avons plus clairement proposé de réserver ce terme aux discours spontanés et aux idéologies linguistiques, mais d’y renoncer dans les descriptions scientifiques en phonétique et le remplacer par une notion plus précise.

Cette question concerne aussi bien ce qu’on appelle couramment les accents régionaux des natifs que les accents étrangers des personnes parvenues à une excellente maîtrise de la langue, et dont on ne devine l’apprentissage non natif qu’à l’oral.

Que peut-on reprocher au concept d’« accent » ?

Tout d’abord de faire reposer sa définition essentiellement sur la perception d’autrui et non sur la production de variantes précises. Autrement dit, une personne qui a un accent est d’abord une personne qui prononce différemment de celle qui juge qu’elle a un accent. Ainsi, lorsqu’une Française discute avec une Québécoise, elles peuvent trouver réciproquement que l’autre a un accent. C’est pour cela que les linguistes expliquent souvent que tout le monde a un accent, pour mettre en avant cette relativité qui empêche de transformer la notion vague d’accent en concept opérationnel.



Read more:
La glottophobie ou la langue comme outil de discrimination

Si on approfondit un peu l’analyse des discours sur les accents, on s’aperçoit que la plupart du temps, en français, on considère que les manières de prononcer définies par le groupe qui détient le pouvoir symbolique à un moment donné (la cour du roi, la bourgeoisie de la capitale, les médias nationaux…) sont perçues comme « sans accent » alors que toutes…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Maria Candea, Professeure en linguistique et sociolinguistique française, Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3