Et si vous profitiez des fêtes pour questionner vos proches à la manière des anthropologues ?

Comment est-il possible de passer autant de temps avec ses parents et grands-parents sans vraiment les connaître ?

Cette question m’a toujours laissé perplexe en tant qu’anthropologue. Elle est particulièrement pertinente à l’époque des fêtes de fin d’année, où des millions de personnes voyagent pour passer du temps avec leur famille.

Lorsque mes parents étaient vivants, je parcourais de longues distances pour être avec eux. Nous avions les conversations habituelles : ce que faisaient les enfants, comment se passait le travail, les maux et les douleurs des uns et des autres. Mais ce n’est qu’après la mort de mes parents que je me suis demandé si je les connaissais vraiment de manière profonde, riche et nuancée. Et j’ai réalisé que je ne les avais jamais interrogés sur les périodes formatrices de leur vie, leur enfance et leur adolescence.

Qu’est-ce que j’avais manqué ? Comment cela s’était-il produit ?

En réalité, j’avais interrogé ma mère quelques années avant sa mort. Mais je ne l’avais questionnée qu’au sujet d’autres membres de la famille – des personnes qui suscitaient ma curiosité parce que le travail de mon père nous avait menés dans des endroits éloignés du reste de la famille. J’ai basé mes questions à ma mère sur les quelques informations que j’avais déjà, pour construire un arbre généalogique. On pourrait dire que je ne savais pas ce que je ne savais pas.

J’ai décidé de rechercher le type de questions qui auraient permis à ma mère d’obtenir des informations sur sa vie, dont je n’avais aucune idée, et qui sont désormais perdues à jamais. J’ai interviewé des personnes âgées pour élaborer des questions qui permettraient de brosser un tableau de la vie d’une personne lorsqu’elle était enfant et adolescente. Je voulais des détails qui m’aideraient à voir le monde qui avait influencé la personne qu’elle était devenue.

J’ai donc utilisé ma formation d’anthropologue pour poser le type de questions qu’un anthropologue pose lorsqu’il essaie de comprendre un mode de vie ou une culture qu’il connaît peu. Les anthropologues veulent voir le monde du point de vue d’une autre personne, à travers d’autres lunettes. Les réponses des personnes âgées m’ont ouvert de nouveaux horizons.

Sonder la banalité

L’un des secrets pour avoir une conversation approfondie avec vos aînés lorsque vous êtes ensemble pendant les vacances est de mettre de côté votre rôle habituel. Oubliez, le temps de l’entretien, votre rôle de petit-enfant ou d’enfant, de nièce ou de neveu, et pensez comme un anthropologue.

La plupart des enquêtes généalogiques se concentrent sur les grands événements de la vie comme les naissances, les décès et les mariages, ou sur la construction d’un arbre généalogique.

Mais les anthropologues veulent connaître les détails de la vie ordinaire : les interactions avec les voisins, la façon dont le temps passe, les objets qui étaient importants pour eux, ce dont les enfants avaient peur, comment fonctionnait la séduction, les styles d’éducation, etc.

Si vous posez des questions sur la vie sociale, vous obtiendrez des descriptions qui vous donneront une idée de ce que c’était que d’être un enfant qui découvrait les choses à l’époque – quand, par exemple, comme l’explique un parent, « à moins qu’on ne vous dise d’aller dire bonjour à grand-mère, vous ne parliez jamais, en tant qu’enfant, aux adultes ».

En revanche, si vous questionnez au sujet des objets importants, vous entendrez parler de ces choses tangibles qui se transmettent de génération en génération dans votre famille et qui sont dépositaires d’une certaine valeur. Ces objets ordinaires peuvent véhiculer des histoires sur la vie familiale, comme le décrit cette personne qui a grandi au Royaume-Uni :

« Maman me disait que le meilleur moment de la journée, c’était quand je rentrais de l’école, que j’entrais par la porte de derrière, que je m’asseyais sur le tabouret de la cuisine et que je parlais, un truc mère-fille. J’ai toujours ce tabouret de cuisine. Mon père l’a construit en cours du soir. Mes enfants se souviennent aussi d’avoir été assis sur le tabouret dans la cuisine, pendant que grand-mère cuisinait, pour passer le temps, boire des tasses de thé et manger des sablés. »

Mon interlocutrice, devenue elle-même…

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Auteur: Elizabeth Keating, Professor of Anthropology, The University of Texas at Austin College of Liberal Arts